Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin 1870.

Le ciel s’en mêle, la sécheresse envahît les champs, l’industrie nourricière de la France, la culture de la terre, est sous le coup d’une épreuve qui commence à devenir une cause d’inquiétude sérieuse, et la politique ne va pas. Non, malgré tout, la politique ne va pas ; elle se traîne d’un pied boiteux, elle se déroule dans une certaine incohérence au milieu d’un pays distrait par le souci de sa propre alimentation, mise en péril. Sans doute il y a une force secrète qui maintient tout en équilibre, il y a une impulsion qui se prolonge à travers le mouvement des choses. Au fond, nos affaires semblent nouées, et on dirait qu’après avoir reconquis des conditions plus aisées, plus larges, nous nous arrêtons fatigués et indécis au seuil d’une carrière nouvelle, sans oser ou sans savoir tirer parti de la situation qui nous est faite. Assurément il y a une vérité supérieure et décisive qu’une aimée bientôt révolue vient de mettre une fois de plus en lumière.

Depuis que la France est sortie des crises gigantesques de la fin du dernier siècle, tous les événemens, toutes les expériences, toutes les révolutions n’ont qu’un sens, et on pourrait dire une moralité. Nous sommes un peuple à la recherche d’un système régulier et efficace d’institutions libres. Les régimes extrêmes sont sans durée, les républiques ne s’acclimatent pas, les dictatures sont emportées ou fléchissent sous leur propre poids. Les politiques absolues portent en elles-mêmes une sorte d’impossibilité ; elles jurent avec nos traditions ou avec notre fierté, avec nos habitudes ou avec nos intérêts, à travers toutes les oscillations, la France poursuit son idéal, qui n’est autre chose que l’image de ses propres goûts et de ses propres instincts ; elle est libérale, elle n’est que libérale, et, dès qu’elle a une occasionnelle le montre. Elle ne veut ni de ceux qui veulent l’entraîner à leur suite dans des aventures convulsives, ni de ceux qui veulent la fixer dans l’immobilité sous les gouvernemens d’omnipotence, et elle ne se sent vraiment à l’aise que dans ces institutions parlementaires qui la contiennent et l’excitent à la fois, qui ne sont en