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ses amis ? quel but à proposer à leurs efforts ? à défaut du prince de Conti, aurait-il en poche une autre candidature française ? était-ce un Bourbon de France ou un Bourbon d’Espagne ? ou bien s’accommoderait-on d’un cadet de la maison de Saxe ?

Plus les questions étaient nettes, plus il semblait qu’on fit effort pour rendre les réponses ambiguës. « Il faut avant tout, disait pédantesquement le ministre, établir les principes généraux qui, dans les circonstances présentes, doivent être la base des instructions et des ordres que le roi juge à propos de confier à un ambassadeur et à ses ministres. Ces principes sont : 1° que toutes les négociations particulières à suivre dans les cours étrangères doivent nécessairement s’accorder avec le système général que le roi a adopté pour les engagemens que sa majesté a contractés avec la cour de Vienne ; 2° que ce nouveau système est actuellement le point culminant auquel toutes les lignes de la circonférence politique doivent aboutir sans se croiser ; 3° que toute négociation qui serait directement ou indirectement contraire à ce système serait un ouvrage incompatible avec la droiture des intentions du roi, qui est bien éloigné de vouloir détruire d’une main ce qu’il travaille à établir de l’autre ; 4° que rien ne serait plus contraire à cette intelligence que de paraître tenir encore aux anciennes maximes du système fondé sur la rivalité de plusieurs siècles entre les maisons de France et d’Autriche… » A quoi néanmoins on ajoutait que « le roi, en s’unissant aux cours impériales, avait renoncé uniquement à son alliance avec le roi de Prusse, que son intention est de conserver ses autres alliés, en particulier la Pologne, la Suède et la Porte-Ottomane, mais qu’il serait prématuré, inutile et dangereux de faire aucune ouverture relativement au projet de substituer la puissance saxonne à la prussienne dans l’équilibre de considération et de force à former dans l’empire germanique[1]. »

Le roi, moins verbeux, n’était pas plus clair. Il prononçait tour à tour plusieurs noms propres sur lesquels on pouvait diriger le choix futur des Polonais : tantôt c’était un infant, tantôt un cadet saxon ; mais il ajoutait tout de suite qu’il fallait consulter les Polonais eux-mêmes et lui laisser le temps de s’entendre ensuite avec ses alliés, ce qui ne l’empêchait pas d’engager le comte à tenir toujours les amis de la France en haleine, de lui promettre même quelques légers subsides dans cette intention, et enfin d’exiger de lui une correspondance aussi régulière que mystérieuse pour le tenir au courant du succès de ses efforts en l’air[2]. » J’espère au moins, répondait le

  1. Mémoires du comte de Broglie adressés à M. de Rouillé le 10 et le 20 avril 1757. — Réponse du ministre. (Correspondance officielle, ministère des affaires étrangères.)
  2. Boutaric, t. J, p. 220. Le roi à Terrier, 9 avril 1757.