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fait une moyenne de 32 par année. L’on peut bien croire que dans ce travail à toute vitesse un grand nombre de ces lois auront besoin d’être amendées, mais l’ensemble, a été un bienfait pour le pays. Il a rapporté bien des mauvais arrêts, abrogé bien des lois iniques, donné satisfaction à plus d’un vœu légitime. Nous regrettons que le cadre de cette étude ne nous permette pas de passer en revue les travaux accomplis par le conseil législatif des Indes pendant cette courte période d’années ; nos législateurs y trouveraient ample matière à réflexions. Commerce, industrie, agriculture, banques, institutions civiles, marine, relations de tout genre, c’est une reconstruction générale de la société indo-européenne. Le travail le plus considérable auquel le conseil législatif se soit livré est sans contredit l’élaboration d’un code complet de lois pénales et de procédures criminelles. Il est si détaillé, si minutieux, que presque toutes nos actions pourraient à la rigueur être visées. Le grand obstacle contre lequel les législateurs sont venus se heurter, c’est l’impossibilité de contraindre les Anglais à se soumettre aux décisions d’un juge indigène en matière criminelle. Ils ont la certitude que du moment où les tribunaux hindous pourront exercer une juridiction incontestée sur eux, leur règne approchera de sa fin. Il n’était pas possible cependant de faire deux codes, deux systèmes de lois ; les relations entre les vainqueurs et les vaincus sont trop enchevêtrées pour que la loi puisse tenir compte des différences de race. Il fallut néanmoins y introduire des tempéramens, faire des exceptions, poser des limites à l’action de la loi pour les Européens des villes où les cours ne sont pas exclusivement composées d’Anglais, laisser enfin des lacunes que le temps comblera. D’après une décision de la cour suprême d’Agra, les juges ne peuvent pas même appliquer aux Anglais la loi qui oblige le père d’un enfant illégitime à lui faire une pension alimentaire.

La police a été remaniée par le conseil législatif dans toutes ses parties. Il est très difficile d’avoir une bonne police aux Indes ; la classe où on la recrute n’inspire aucune confiance. Sur le terrain de l’intelligence, les Hindous sont presque au même niveau que les Européens, et sur plusieurs points de la moralité ils marchent de pair avec ces derniers ; mais ils sont sans entrailles. Ils feront endurer à l’homme et aux animaux les plus cruelles souffrances avec une indifférence parfaite ; et, pourvu qu’ils puissent le faire sans danger, ils vous ôteront même la vie sans éprouver le moindre remords. En fait d’intrigue, L’Hindou est passé maître. Comme sa morale lui permet le mensonge, il se montre très habile à couvrir ses méfaits de paroles astucieuses. Ce sont cependant des hommes de ce caractère qui remplissent tous les cadres inférieurs de la