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d’un heureux présage, qui ne fut pas démenti par les travaux ultérieurs. Ceux-ci en effet visaient directement la rénovation de l’anatomie générale, laquelle devint dès lors l’objet clairement aperçu et inflexiblement poursuivi par M. Robin.

Les géologues, personne ne l’ignore, décomposent les terrains en. roches et les roches en minéraux, qui sont comme les élémens premiers de la croûte terrestre. C’est ainsi qu’ils distinguent dans les terrains ignés le granité, la syénite, le gneiss, la diorite, etc. Ils réduisent ensuite chacune de ces roches à un certain nombre de principes immédiats. Le granité par exemple fournira le feldspath, le quartz et le mica. De même il y a plusieurs degrés de complication dans l’édifice des êtres vivans, lesquels se ramènent par une série d’analyses du même genre à un certain nombre de principes également immédiats, c’est-à-dire de substances chimiques fondamentales. M. Robin comprit tout d’abord la nécessité d’organiser méthodiquement la connaissance de ces ingrédiens, matériaux de toute élaboration vitale et de toute construction organique[1].

L’ancienne chimie admettait d’emblée que les humeurs et les tissus de l’économie sont formés d’eau, d’huile, de terre et de sel. On y ajoutait quelquefois le soufre, le phlegme et l’alcali. C’était très vague et peu instructif. On a reconnu depuis que le nombre des principes immédiats est bien autrement considérable, et que la constitution en est très compliquée. Les analyses de la chimie moderne ont établi la nature précise et les principales, propriétés de ces corps, mais sans en systématiser la connaissance. Elles nous ont appris qu’il y a dans l’économie des matières colorantes, des matières albuminoïdes, des acides, des sels, des alcalis, des alcools, des sucres, des graisses, des éthers. M. Robin, reprenant certaines indications de M. Chevreul, mit les principes immédiats à leur vraie place et les classa en déterminant leur rôle dans les diverses parties de l’organisme. Ces principes marquent la transition de la chimie à la biologie. Envisagés individuellement dans leur composition moléculaire, dans leur fonction chimique et dans les métamorphoses qu’ils peuvent éprouver sous l’influence des réactifs, ils appartiennent à la chimie. Envisagés au point de vue de leur nombre et de leur répartition dans l’économie vivante, de la part qu’ils prennent à la formation des organes et des liquides de l’animal, des particularités qu’ils offrent suivant les âges, les espèces et les états morbides, ils appartiennent à l’anatomie générale. M. Robin a montré comment ils s’associent et se transforment dans le cycle de la vie.

  1. Il y a consacré un ouvrage considérable : Traité de chimie anatomique et physiologique, par Robin et Verdeil, 3 vol. in-8o, 1853. C’est dans cet ouvrage que pour la première fois les principes immédiats sont divisés en trois classes.