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de la matière amorphe. Il y a autant de blastèmes différens qu’il y a de tissus ; en d’autres termes, les élémens anatomiques de chaque tissu laissent suinter entre eux des liqueurs génératrices où naissent des élémens pareils. Nous aurons occasion plus loin d’en signaler d’intéressans exemples.

Cette éclosion de molécules vivantes dans la masse des blastèmes, démontrée par les innombrables observations de M. Robin, vérifiée par celles de beaucoup d’autres savans[1], est une véritable génération spontanée. En effet, des corpuscules organisés se développent ici sans germes ni parens, au milieu d’un liquide où rien ne pouvait autoriser quelques instans auparavant à prédire leur apparition. Seulement ce liquide dépend d’un organisme vivant, c’est-à-dire dont les particules élémentaires sont elles-mêmes en voie de rénovation moléculaire continue. En dehors de ces faits, on n’a pu établir avec certitude, du moins jusqu’à présent, que des êtres même microscopiques puissent se produire avec le seul concours des forces physico-chimiques. Les expériences nombreuses qui ont été, il y a sept ou huit ans, l’origine de débats si passionnés et si vifs prouvent qu’un liquide ou qu’une infusion observés dans les vaisseaux d’un laboratoire restent absolument inféconds tant qu’on les soustrait au contact des germes et des spores charriés par l’atmosphère. Ce résultat démontré ne laisse subsister aucun des argumens invoqués à l’appui de l’hétérogénie.

Les trois modes de naissance que nous venons d’étudier sont les modes mêmes de génération des êtres vivans, puisque ceux-ci commencent invariablement par des élémens anatomiques. Pour donner une idée plus claire de ces opérations naturelles si curieuses, voyons ce qui se passe dans le granule organisé qui est le point de départ de la formation et du développement de l’embryon, c’est-à-dire dans l’ovule. Nous y constaterons ces trois modes en action.

L’ovule est un petit globule de 1 à 2 dixièmes de millimètre de diamètre, c’est-à-dire gros comme un grain de sable à peine visible. Il se compose d’une sphère enveloppante, appelée membrane vitelline, où se trouve une matière gélatineuse demi-liquide à laquelle on a donné le nom de vitellus[2]. Le vitellus offre à son tour une sorte de noyau qui est la vésicule germinative ou de Purkinje. Ainsi l’ovule présente à son début les caractères d’une véritable cellule, mais il acquiert en se développant des dimensions et une structure qui l’en distinguent bientôt et en font un organe spécial.

  1. Voyez les travaux récens de MM. Onimus, Feltz et Picot (de Tours) entre autres.
  2. Les œufs d’oiseaux contiennent à leur centre l’ovule, dont le développement, au lieu de se faire au moyen de matériaux fournis directement par la mère, se fait aux dépens de ceux qui sont contenus dons l’œuf, c’est-à-dire du blanc et du jaune.