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du seigneur et d’exécuter encore d’autres travaux à son commandement, Ils étaient en un sens corvéables à merci ; mais peu à peu les usages fixant les services auxquels ils étaient tenus, leur sort devint très supportable. Ils pouvaient être considérés comme tenanciers, mais avec « fixité de la tenure. » Le seigneur ne pouvait les renvoyer, et il n’avait aucun intérêt à le faire. Il ne pouvait non plus étendre ses exigences. Enfin on trouve en troisième lieu les ouvriers agricoles, appelés cotarii, bordarii, qui ont une maison, cot, cotage, et une certaine étendue de terre. Un jour par semaine, ils sont tenus de travailler pour le manoir ; ils doivent aussi le service à l’époque de la fenaison, de la moisson et de la tonte des moutons. Les paysans continuaient à suivre l’ancien système de culture de la période saxonne. Leurs parcelles restaient disséminées dans les grandes divisions de la rotation triennale. Ils avaient à leur disposition la forêt et la vaste étendue du pâturage commun. Les terres du seigneur étaient entremêlées avec les autres et soumises au même système de culture. Le repos de la jachère triennale et la fumure que laissait le bétail, les moutons surtout, paissant sur les chaumes, suffisaient pour les médiocres récoltes dont se contentait une population encore peu nombreuse.

En Angleterre, pendant le moyen âge, les classes rurales furent beaucoup plus heureuses, moins écrasées par le régime féodal que sur le continent. Dès le XIIIe siècle, les paiemens en argent commencent à remplacer les prestations en nature. Les tenanciers s’engagent à payer une somme d’argent déterminée ad firmam ; c’est le bail à ferme avec redevance fixe. Peu à peu un fermage en numéraire remplaça les corvées, et le servage disparut. Les ouvriers agricoles s’affranchirent également ; ils ne travaillaient plus que moyennant salaire, et ce salaire paraissait si élevé qu’à différentes reprises ou essaya de le réduire par des règlemens de police. Comme ils possédaient une maison et le droit d’entretenir une tête de bétail sur le pâturage commun, ils n’étaient pas à plaindre. Le mode de tenure des villani se modifia aussi complètement. Au lieu d’être corvéables à merci, ils devinrent ce que les lois du temps appellent tenants by copy of the court roll, et plus tard copy holders. Ces copy holders devaient certaines redevances fixées par les usages. Les cours de justice se montrèrent à cette époque favorables aux cultivateurs ; elles décidèrent que les copy holders avaient le droit de conserver la terre qu’ils occupaient aussi longtemps qu’ils remplissaient les obligations fixées par la coutume. Ces prestations étant assez légères, les copy holders pouvaient être considérés comme de vrais propriétaires. Ils vinrent donc prendre place à côté des socmen et des yeomen, depuis longtemps affranchis.