Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/471

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ménagères sont habituées à trouver dans le même magasin ; mais il y a quelques-uns de ces articles comme le sucre, qui ne donnent presque aucun bénéfice, il y en a d’autres qui sont sujets à des déchets considérables. L’on gagne, il est vrai, 25 pour 100 sur les vins, les liqueurs, le café, 50 pour 100 sur la brosserie, la quincaillerie, mais il faut dans le magasin coopératif un assortiment complet de tout ce que l’on est habitué à trouver dans les établissemens du même genre, ou bien les chalands ne viennent pas. Si la société est riche, c’est-à-dire si elle est subventionnée par la bourgeoisie, une partie des difficultés précédentes disparaissent ; malheureusement il en surgit de nouvelles, plus grandes peut-être. Ce capital que les membres n’ont pas gagné, ils le prodiguent, le gaspillent même ; l’on s’est demandé dans le comité d’enquête s’il valait mieux qu’une association se fondât avec beaucoup ou avec peu d’argent. Cette question paraît naïve ; eh bien ! qui le croirait ? la plupart des membres ont déclaré qu’il y avait moins de dangers à s’établir avec peu d’argent.

Tels sont les obstacles matériels ; ils ne sont rien à côté des obstacles moraux. Il ne suffit pas d’avoir un approvisionnement, il faut le conserver, le dispenser avec économie. C’est chose facile quand le magasin est entre les mains d’une famille bourgeoise habituée de longue date à l’ordre et à la bonne administration, ayant d’ailleurs le stimulant de l’intérêt personnel ; mais cette garantie manque à nos coopérateurs. Comme ils sont pendant le jour à leurs affaires, il leur faut des employés, et c’est, paraît-il, une race difficile à manier que les garçons d’épicerie ; ils exigent le sou pour livre, ils ruinent la maison par leurs prélèvemens, ils sont pleins d’incurie. On a beau les intéresser aux bénéfices, ils laissent la marchandise se perdre. La Fontaine dirait qu’il faut ici l’œil du maître, mais l’on a changé tout cela. Une publication anglaise engage les sociétés coopératives à ne prendre de préposés qu’autant qu’ils fournissent une bonne et valable caution ; c’est un bien pauvre remède, et qui cause de grands embarras. Ces gens de service ont tous les défauts, ils volent les denrées, si on ne les surveille ; il est impossible de se fier à eux. Quels moyens de contrôle découvrir ? Quand la maison est importante, l’on peut diviser la fonction commerciale entre trois ou quatre agens. On a un employé à l’entrée qui remet des bulletins aux chalands, les garçons qui servent le public y inscrivent le montant des achats, un caissier reçoit le solde : c’est le système suivi dans les établissemens de la boucherie Duval ; mais la plupart des sociétés coopératives ne peuvent s’installer sur ce grand pied. Il y a là d’ailleurs bien des complications pour des gens qui veulent réduire le nombre des intermédiaires, et qui ont adopté le principe