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par le cabinet, fut votée par 468 voix contre 53. Ce premier acte semblait sceller la réconciliation définitive des conservateurs avec la politique nouvelle.

Malheureusement le second acte ne répondit pas à cet heureux début, et précipita d’une manière imprévue le dénoûment de la comédie. Il s’ouvrit par la présentation du budget. Le plan du nouveau chancelier de l’échiquier n’était point un plan ordinaire ; il impliquait au fond l’abandon des principes protectionistes ; c’était une retraite véritable que M. Disraeli dissimulait habilement sous la poussière de sa propre cavalerie et la fumée de ses propres canons. Seulement, en abandonnant la protection, on n’abandonnait pas les protégés. La situation financière léguée par le dernier cabinet présentait un large excédant, que M. Disraeli était forcé de reconnaître ; cet aveu de sa part était un hommage rendu aux effets de la politique libérale. Que faisait cependant pour son début ce singulier enchanteur ? — Il changeait d’une manière inattendue cet excédant en déficit, mais quoi ! ne fallait-il pas venir au secours des victimes que la liberté avait faites ? Il offrait donc un dédommagement aux intérêts qui avaient souffert des réformes introduites depuis dix. ans dans la législation. Ces intérêts étaient ceux de la navigation : on lui accordait pour soulagement la réduction de certains droits, et par exemple des droits d’éclairage maritime ; — ceux des planteurs des Indes occidentales : on les autorisait à raffiner dans les docks ; — enfin ceux de l’agriculture, qui avait, comme toujours, la première place dans la commisération des conservateurs : on réduisait en sa faveur les droits sur la drèche et le houblon. Ces réductions étaient compensées d’abord par le doublement de la taxe sur les maisons, qu’on étendait en outre aux maisons d’un produit annuel de 10 livres seulement ; en second lieu, tout en proclamant les vices de l’income-tax et en annonçant une refonte de cet impôt, on retendait à certaines catégories de revenus qu’il n’atteignait pas jusque-là.

M. Disraeli avait prononcé, dans le cours de son exposé, quelques paroles un peu vives contre les peelites et contre leur chef, sir James Graham ; il avait eu tort, car les peelites, en votant contre une résolution de M. Villiers, bien plus accentuée que celle de lord Palmerston, et qui eût entraîné la chute immédiate du ministère, avaient assez témoigné de leur modération. M. Gladstone prit le dernier la parole. Il commença par repousser cette agression avec une véhémence qui souleva dans la chambre un violent tumulte. « Malgré les efforts de quelques gentlemen de cette partie de la chambre qui profitent de l’obscurité pour m’interrompre, dit-il, ils devront se résoudre à voir leur chancelier de l’échiquier, qui commente si librement la conduite des autres, traduit à la barre de l’opinion de