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l’honneur d’une nation que Voltaire nomme « fière et généreuse, l’appui de ses souverains et le fléau de ses tyrans, » Égales dans l’ordre moral, les femmes peuvent-elles en Hongrie soutenir la comparaison avec les hommes au point de vue esthétique ? La question a été posée par un écrivain magyar. « Les femmes, dit M. Boldényi, sont peut-être moins remarquables que les hommes par la beauté de leurs traits. » L’épithète de « jolies » leur conviendrait mieux qu’une autre ; encore a-t-il soin d’ajouter qu’il entend plutôt par là les « formes agréables, » principal charme de la jeunesse, que cette élégance innée qui peut survivre au printemps de la vie. Chez les jeunes filles, il ne loue guère que la fraîcheur, un vif incarnat, des yeux « grands, bruns, pétillans, » et cette observation est conforme aux innombrables portraits qui se trouvent dans les chants populaires. La comparaison de la « pomme ronde et purpurine » correspond aussi exactement que le permet le langage poétique aux « formes agréables » de la jeunesse dont parle M. Boldényi. Cette comparaison prend un tour militaire original quand un chant ajoute que la pomme est « ronde comme une balle. » L’idylle rustique tourne brusquement en refrain de guerre, et l’on comprend que ces amoureux chanteraient aussi volontiers quelque « marche rákóczienne » que des poésies en l’honneur de « leur rose, » de « leur étoile » et de « leur perle. » Ces épithètes donnent une idée de l’imagination essentiellement orientale des Magyars. Passionnés pour les brillans costumes, aimant eux-mêmes le luxe et la pompe, il est naturel que, lorsqu’ils veulent louer la beauté féminine, ils pensent à « l’or, » à « l’argent, » à « l’image d’or, » surtout à l’éclat de la perle, ou à la splendeur de l’astre qui rayonne dans l’immensité des cieux d’azur. Cette image de l’étoile prend un caractère précis lorsqu’on songe à la vie intense qui anime dans ce pays le regard des jeunes filles. Les blondes elles-mêmes n’ont pas ce caractère de mollesse maladive qu’on trouve sur les rives de la Mer du Nord ou de la Baltique. L’éclair jaillit de l’œil bleu comme de l’œil noir, et les poètes ont cherché à rendre ce détail essentiel quand ils disent que de tels éclairs ressemblent « à la flamme azurée qui flotte au-dessus d’un trésor ; . » mais le type qu’ils célèbrent d’ordinaire est le type national, qu’un chant met sans hésitation au-dessus des autres en affirmant que « toutes les belles filles doivent avoir des cheveux foncés. » Ils parlent aussi souvent de la « fille brune, » de la « brune hôtesse » que du svelte « garçon brun. » Ces vierges « au teint bruni » doivent avoir les « yeux de feu, » les yeux « qui tuent. » Comme la Sulamite, la jeune fille magyare reçoit aussi le nom de « colombe ; » cependant ces expressions, « colombe, brune tourterelle, » ne plaisent pas à toutes les héroïnes des poètes. L’une d’elles s’écrie :