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très contestable, que les soins n’eussent pas été meilleurs, dans ces contrées privilégiées où il semble qu’il n’y ait qu’à se baisser pour ramasser ce dont on a besoin, on aurait vu l’armée française, à qui le gouvernement et les chambres étaient bien résolus de ne rien refuser, subir des pertes énormes, occasionnées par le manque d’une bonne nourriture, la privation d’objets indispensables pour le campement et l’omission des précautions hygiéniques les plus recommandées par l’expérience.

Depuis la guerre d’Italie, le monde a eu le spectacle d’une des guerres les plus acharnées qui l’aient jamais ensanglanté, celle de la sécession des États-Unis. D’immenses armées y ont été en présence dans des conditions qui appelaient les précautions les plus attentives, car tous les accidens de climat y étaient accumulés, puisque la guerre s’est étendue des rivages brûlans, pendant l’été du moins, du golfe du Mexique au centre de la vallée de l’Ohio et à la Pensylvanie, et du delta du Mississipi aux passes des monts Alleghanys, et elle a duré quatre fois les quatre saisons si diverses de l’année. A l’origine, ni le nord ni le sud n’étaient prépares pour la guerre ; le nord l’était moins que le midi en proportion des forces qu’il devait mettre en ligne. D’un effectif de quelques milliers d’hommes, il a dû passer à celui de 600,000 soldats, car dans les dernières années de la guerre c’est le nombre qu’on a eu sous les drapeaux. Il a donc eu à créer toutes choses de toutes pièces en fait d’organisation militaire. Au point de départ, on n’avait qu’un embryon d’administration de la guerre ; le corps médical était sur des proportions lilliputiennes, et on possédait à peine un tout petit nombre de petits hôpitaux. Cependant la vie humaine est prisée haut dans les États-Unis, et il fallait entourer de soins prompts et efficaces les hommes qu’une blessure ou la maladie envoyait soit aux ambulances, qui font pour ainsi dire partie du champ de bataille, soit aux hôpitaux, établis à une distance plus ou moins grande. On s’y est appliqué avec vigueur et obstination, et après un peu de temps les résultats ont été excellens.

Lorsque la guerre fut finie, l’administration française envoya sur les lieux, avec la mission de recueillir tous les renseignemens utiles, plusieurs officiers, et particulièrement un des hommes les plus distingués du corps de l’intendance, M. Vigo Roussillon[1]. Il a été ainsi constaté, et il l’expose dans son volume de la Puissance militaire des États-Unis, que les états du nord avaient résolu aussi complètement que possible les problèmes devant lesquels nous

  1. MM. de Chanal et Guzman, envoyés aussi par le gouvernement, eurent à s’occuper de l’organisation militaire proprement dite.