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déclarait la guerre. Les deux puissances européennes ainsi provoquées envoyèrent dans le golfe de Pé-tché-li une armée d’environ 25,000 hommes. On sait le reste. Les forts de Takou furent démantelés, Tien-tsin fut occupé de nouveau. Deux négociateurs chinois s’y présentèrent, mais seulement pour gagner du temps ; ils attirèrent un parti d’Anglais et de Français dans un guet-apens sous prétexte de continuer les négociations. Ces malheureux saisis, garrottés, furent jetés en prison. Plusieurs succombèrent dans les tortures. Animée d’un juste sentiment d’indignation,. l’armée alliée vengea ces victimes de la trahison chinoise dans deux batailles où les Tartares furent complètement défaits, et qui nous amenèrent jusqu’à Pékin.

C’est là que fut enfin signé avec la Chine le traité de 1860. Il différait des précédens en ce que ceux-ci avaient le caractère d’une concession, tandis qu’il était un véritable contrat entre parties égales ; il ne se bornait pas à stipuler des garanties commerciales, il établissait des rapports sociaux. L’admission de nos représentans à Pékin était très importante, moins toutefois au point de vue de nos intérêts qu’à celui de notre dignité. Cependant l’autorisation. donnée à nos négocians de circuler dans l’empire, de trafiquer dans la plupart des ports, de naviguer sur les fleuves, ouvrait enfin la Chine à nos idées comme à nos marchandises. Cet ensemble de mesures libérales était complété par l’extension donnée à l’institution des consulats, désormais admis dans tous les grands marchés de l’intérieur, par la protection accordée à l’exercice et à la propagation des cultes chrétiens. Enfin, pour mieux témoigner de l’esprit nouveau, le gouvernement chinois faisait disparaître de tous les documens officiels et interdisait à la population les mots de « diables étrangers, » dont il était d’usage de nous gratifier.

Cette révolution. ne pouvait pas s’accomplir sans difficultés. On devait également prévoir des mouvemens de réaction. C’est à cette dernière cause que l’on peut attribuer la catastrophe de Tien-tsin, dont la nouvelle affligeante vient de parvenir en Europe. Ce malheur nous paraît dû à une effervescence toute locale, et nous serions bien surpris que le gouvernement chinois nous refusât les satisfactions que nous sommes en droit de lui demander. En effet depuis 1860, il n’a guère dévié de la ligne droite dans ses rapports avec l’Occident. C’est ce qu’il est aisé, de démontrer par le récit des événemens qui se sont passés en Chine, et par l’étude de la politique que le gouvernement chinois a suivie jusqu’à l’envoi de son ambassade en France.