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Leur œuvre de pillage n’a pas cessé depuis cette époque. Sous différens noms, et en dernier lieu sous la désignation de nien-feï, ils se jettent encore sur certaines villes sans défense ; souvent même ils battent à outrance les mandarins militaires et leurs « braves, » qui ne manquent jamais d’envoyer ensuite à Pékin le récit d’une grande victoire. Ces bulletins contiennent invariablement l’assurance que « les abominables pestes » viennent d’être exterminées ; mais les « pestes » reparaissent bientôt en force, et font subir de nouvelles défaites à leurs prétendus exterminateurs. Néanmoins la révolte est éteinte, et les dernières convulsions dont nous parlons ne font que caractériser son agonie. Il appartient désormais au gouvernement de s’attaquer aux causes de cette grande émotion du peuple, et de prévenir ainsi le renouvellement d’uno crise qui a mis l’empire à deux doigts de sa perte. Voyons ce qu’il a fait.


II

Le devoir du gouvernement chinois ne se bornait pas à rétablir la paix et l’ordre. Les derniers événemens avaient révélé la nécessité non moins grande de réformer l’administration intérieure du pays, et de diriger d’après des principes nouveaux de justice et de bienveillance ses relations avec les nations étrangères. Pendant les dernières années qui avaient précédé notre entrée à Pékin, deux partis s’étaient disputé la faveur du souverain et la direction des affaires. L’un conseillait la résistance et la guerre contre les Européens, refusait toute concession « aux barbares étrangers, « et prétendait à l’intérieur immobiliser les institutions nationales. L’autre cherchait à préserver la paix par une politique de sages concessions ; mais les conseils de paix et de prudence étaient mal reçus par l’empereur qui régnait à cette époque. Hien-foung croyait sincèrement à la supériorité de ses troupes, à l’excellence de l’état existant, à l’inutilité du commerce avec les étrangers. Quant aux troubles de son empire, aux réclamations de ses sujets, c’est à peine s’il en avait connaissance. Son égoïsme était satisfait, chacun s’attachait à le flatter ; il éloignait tout ce qui pouvait troubler sa quiétude, et laissait tranquillement la Chine suivre la pente de décadence où elle était engagée.

Le parti de la guerre avait à sa tête le général des troupes tartares, San-ko-lin-sin, qui commandait les forts de l’entrée du Pei-ho lorsque les navires qui amenaient à Pékin les deux représentans de France et d’Angleterre furent repoussés à coups de canon en 1859. Ce succès avait exalté son orgueil ; il avait pris sa victoire au sérieux, et se croyait invincible. Son parent, le prince