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coupables, de mettre immédiatement en liberté les gens injustement incarcérés, et de terminer promptement les procès en litige. Le ciel, ajoutait-il, réjoui de ses efforts, aurait alors pitié de l’affliction de ses sujets, et enverrait de la pluie. » Il accordait en outre une remise d’impôts aux habitans des provinces qui avaient le plus souffert, C’est que le mécontentement public était grand. Le ministère le comprenait et cherchait à l’apaiser. En quelques mois, il avait accumulé beaucoup de fautes, et, ainsi qu’il arrive souvent, les malheurs accidentels étaient venus s’y joindre comme pour mettre le comble à l’irritation publique. La mort de San-ko-lin-sin, en privant son parti du patronage d’une grande réputation militaire, l’avait laissé sans force pour balancer l’influence du prince Kong. De ce moment, le sort de cette administration fut fixé, et l’existence en fut mesurée au terme des cérémonies funèbres. Une dernière satisfaction était pourtant réservée à ce parti, ou plutôt il sut se préparer un dernier triomphe, en obtenant du jeune empereur que les plus grands honneurs fussent rendus à la mémoire de San-ko-lin-sin. Le corps du général fut envoyé à Pékin avec une nombreuse escorte. Un oncle de l’empereur alla le recevoir, et quelques jours après, l’empereur lui-même se rendit avec toute sa cour au palais du prince. Il ordonna, par une faveur insigne et inusitée, que toutes les batailles et actions d’éclat du défunt fussent peintes et exposées dans la salle des victoires. On ne dit pas si les défaites subies par le prince à Ta-kou et à Pa-li-kao furent comptées au nombre des succès dont la cour de Pékin voulut ainsi éterniser le souvenir. Quoi qu’il en soit, le titre de prince de la famille-impériale fut conféré au fils unique de San-ko-lin-sin, et ses deux petits-fils furent créés, l’un prince du troisième rang à vie, et l’autre prince du cinquième rang.

Enfin le jour des cérémonies funéraires en l’honneur du souverain défunt arriva. Le ministère des rites et le tribunal des mathématiques ayant désigné la date propice, et tous les préparatifs étant achevés, l’empereur Tong-tche et les impératrices partirent de Pékin le 5 novembre 1865, pour porter les restes de l’empereur défunt à sa nouvelle sépulture. Les cérémonies eurent toute la splendeur des fêtes asiatiques. On sait que, pour conserver intacte la majesté de son rang, l’empereur de Chine se rend invisible. Quand le monarque du Céleste-Empire doit passer, des coureurs le précèdent, et à leur vue les habitans s’empressent de rentrer dans leurs demeures dont ils ont soin de fermer toutes les ouvertures ; mais le moyen de se soustraire à la curiosité européenne ? Des attachés de l’ambassade française ont vu le cortège de l’empereur et l’empereur lui-même, ainsi que les impératrices, par un interstice des volets d’une boutique. Le cortège était bien un cortège oriental : des soldats dont la tenue n’était uniforme que par les taches et les