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sur une religion, de lui obéir, de la défendre contre l’erreur, et l’erreur ici, c’est tout ce qui se trouve hors de l’église anglicane, dont l’autorité, garantie par une transmission régulière depuis les apôtres, est au-dessus de toute contestation. « Dans un âge, disait l’auteur, qui inclinait vers une organisation rigoureusement ecclésiastique de l’état, il était sage et louable de défendre les droits de la conscience individuelle. Dans un âge qui incline à séculariser l’état et en définitive à porter atteinte à la liberté ou même à l’anéantir en détruisant ses garanties religieuses, déclamer contre l’intolérance devient un devoir secondaire ; il est tout autrement important et il me paraît plus rationnel de défendre sérieusement ces grandes lois morales sur lesquelles repose la constitution de la société, et que des considérations d’avantages économiques ou d’intérêts matériels menacent de renverser complètement. » Qu’on n’aille pas cependant se figurer là-dessus que M. Gladstone ait jamais été un De Maistre. Il ne célèbre ni la torture ni le bûcher, il repousse même toute idée de persécution : il soutient seulement que l’état ne saurait admettre à l’exercice des fonctions publiques ceux qui ne partagent pas sa croyance ; mais exclure les dissidens de la vie publique, les condamner à rester étrangers au sein de la nation, les dépouiller de tout droit politique et de toute influence sur les destinées de la patrie, n’est-ce pas de la persécution ? Sous prétexte d’appeler les hommes à la vérité, offrir comme récompense aux convertis le partage des fonctions publiques, n’est-ce pas la pire des corruptions ? Dans tous les cas, il n’y avait qu’à rétablir l’acte du test, aboli, même pour les catholiques, depuis dix ans. Eh bien ! l’auteur, par une inconséquence nouvelle, répudie encore cette conclusion, en déclarant que la question de la capacité politique des dissidens est une question d’opportunité.

Le livre ne brillait, comme on voit, ni par la justesse de l’idée première, ni par la rigueur des déductions. L’auteur semblait n’établir des principes absolus que pour les faire fléchir aussitôt. Était-ce donc une théorie en l’air, un livre sans portée pratique ? Au contraire il aboutissait, à travers toutes ces inconséquences, à une conclusion très positive et très actuelle : c’est que l’état, étant chargé de prêter aide et protection à l’église, dépositaire de la vérité, trahirait son devoir, s’il lui arrivait de soutenir ou de doter les églises de l’erreur. Et cela s’appliquait rigoureusement à l’Irlande. L’église anglicane avait pour mission de convertir l’Irlande ; M. Gladstone ne doutait pas qu’avec l’appui de l’état elle n’y parvînt un jour. C’est pourquoi il repoussait toute idée d’accorder un traitement au clergé catholique et de travailler à son éducation, il réprouvait l’établissement et la dotation du collège de Maynooth comme une concession que rien ne justifiait, il combattait la pensée d’appliquer à