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familières aux matelots. Au bout de la campagne, restait-il quelques points douteux, ces doutes étaient levés dans la campagne suivante : un contrôle naturel s’établissait par le roulement des vice-amiraux qui se transmettaient le commandement. Y a-t-on toujours vu juste dans l’ensemble des faits ? a-t-on eu la main toujours heureuse pour les détails ? La guerre le dira. Qu’il nous suffise de raconter, avec la réserve qu’imposent les circonstances, ce qu’ont produit nos dernières campagnes d’évolutions, le point où elles ont pris et celui où elles ont laissé la tâche difficile et coûteuse de notre réorganisation navale.

Le commandement en chef de l’escadre avait été confié à l’un des meilleurs officiers-généraux de notre marine, bien connu des lecteurs de la Revue, M. le vice-amiral Jurien de La Gravière. Le 20 avril 1868, il arborait son pavillon sur le Solferino, remplacé plus tard par le Magenta, et ne le détachait de la drisse que le 1er février 1870, après cent soixante-dix jours passés à la mer et coupés par des stations laborieuses. Son escadre, plusieurs fois remaniée, formait, au moment d’être dissoute, un tout très homogène, bien assorti pour le gabarit et l’armement, et portant ce qu’on nomme aujourd’hui dans les grandes marines de l’Europe une artillerie d’attente, artillerie excellente, peu onéreuse, et à laquelle on devrait raisonnablement se tenir. Outre le vaisseau le Magenta, qui portait dans ses batteries dix canons de 24 et sur ses gaillards quatre canons de 19, l’amiral emmenait avec lui cinq frégates cuirassées à peu près égales en force, la Provence, l’Héroïne, la Couronne, la Revanche, la Valeureuse, chacune avec huit canons de 24 en batterie, et de quatre à sept canons de 19 et de 16 sur les gaillards, en tout trente canons de 24, quinze de 19 et dix-huit de 16. Un ou deux bricks faisaient l’office d’éclaireurs. Au début, l’état matériel de ces bâtimens laissait à désirer, il fallut plusieurs mois de soins pour en améliorer le détail ; l’artillerie fut modifiée, les machines furent réparées, on dut remédier à ce que les installations pouvaient avoir de défectueux ou d’insuffisant. A la seconde sortie de Toulon, le but était atteint ; on avait dans ces six bâtimens, montés par des équipages d’élite, un bel échantillon de nos forces. Nous ne les suivrons pas dans un itinéraire marqué de peu d’incidens. La mission n’en comportait point, hors des études et des travaux techniques. Aussi, des îles d’Hyères au golfe Juan et du golfe Juan à Ajaccio, le temps se passa-t-il en manœuvres à la voile ou à la vapeur, en exercices de canonnage avec les batteries du bord ou avec des chaloupes armées, en débarquemens et rembarquemens simulés, en signaux de pavillon le jour et de feux la nuit., A Alger seulement, il y eut un peu de répit pour nos marins ; Alger est toujours un pays de fête. Une circonstance y contribuait