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sent dans le même sentiment, comme ils se confondent sous le même drapeau, et, M, de Forcade l’a dit avec une véritable éloquence, les pères n’ont aucune peine à se rapprocher dans le conseil quand leurs fils combattent ensemble. C’est cet esprit, devenu l’essence de notre société et de notre civilisation, qui constitue aujourd’hui notre force et qui fera notre pays invincible, si l’on sait se préserver des divisions funestes, qui ne profiteraient pas même à ceux qui les fomenteraient. La guerre a sans doute ses hasards dont on n’est pas maître. Dans une si grande lutte, des revers peuvent survenir ; ils sont à moitié réparés quand on en connaît les causes, ils cessent d’être un motif de découragement pour devenir au contraire un énergique stimulant, et désormais la France, retrempée dans l’épreuve d’un jour, peut combattre devant l’Europe qui la regarde ; elle peut marcher à la lutte avec une confiance virile parce qu’elle sent sa force, parce qu’elle sait que son drapeau est celui de la civilisation et de la liberté des peuples.

CH. DE MAZADE




LA POPULATION ALLEMANDE DE PARIS.

Si la guerre a ses horreurs qui lui sont propres et dont elle ne se dégagera jamais, celles des champs de bataille, la civilisation reprend ses droits vis-à-vis d’elle en la cantonnant et en réduisant son domaine. Le soldat est l’ennemi du soldat qui est en face de lui, et cherche à détruire son adversaire ; mais la loi de la guerre moderne, c’est que le soldat français, par exemple, ne traite pas comme un ennemi le sujet prussien qui n’est pas militaire et qui reste inoffensif, que de même le soldat prussien ménage le citoyen français qui n’est pas partie active dans la guerre. Le respect de ce qui n’est pas militaire chez la nation avec laquelle on est en lutte s’étend au-delà des personnes ; il s’applique à la propriété, aux biens de toute espèce. Le pillage et la destruction gratuite sont réputés des actes déshonorans pour qui les commet.

Ces observations philosophiques trouvent leur application en ce moment à cause de deux faits. Le premier consiste dans le refus de la France de renoncer à saisir par ses navires de guerre les bâtimens marchands de l’Allemagne après que la Prusse a déclaré que non-seulement elle ne délivrerait pas des lettres de marque, mais que sa marine militaire s’abstiendrait de faire aucune prise. En cela, notre adversaire a donné un exemple qu’il est regrettable que nous n’ayons pas suivi, nous qui avions si honorablement pris les devans, lors du traité de Paris en 1856, pour libéraliser le droit maritime et inaugurer le