Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

certain mécompte ; mais on n’aurait pas à le regretter, si l’élévation des salaires devait avoir pour résultat de retenir dans les campagnes et à plus forte raison d’y rappeler les bras qui désertent l’agriculture. Ce temps d’arrêt dans le mouvement qui pousse aujourd’hui vers les villes tant d’individus appartenant aux populations rurales serait surtout opportun au moment où les travaux de Paris paraissent devoir subir un notable ralentissement.

Le gouvernement ne peut manquer d’observer avec attention les variations qui viendront à se produire dans le prix de la main-d’œuvre, et parmi les faits si nombreux que la construction des chemins, vicinaux peut l’obliger à étudier, il n’en est pas de plus digne de sa vigilance. Or a-t-il des moyens d’action suffisans pour diriger la vaste opération qui commence ? Nous serions tenté d’en douter. On s’est borné jusqu’à présent à créer au ministère de l’intérieur un bureau spécial, et l’excellente organisation de ce bureau a montré une fois de plus ce qu’on peut obtenir d’un personnel peu nombreux, mais bien recruté. Il serait utile d’aller plus loin et d’organiser une inspection pour étudier sur place la marche des travaux, contrôler les évaluations qui servent de base à la distribution des subventions de l’état, et surtout vérifier la comptabilité et l’emploi des fonds. Sans créer de nouveaux emplois, on pourrait se borner à confier des missions temporaires à des hommes exercés et possédant des notions pratiques. Un crédit très modique suffirait pour réaliser cette mesure, et une pareille dépense serait fort bien entendue, puisqu’elle permettrait de surveiller l’emploi des ressources de toute nature affectées à la vicinalité, c’est-à-dire d’un budget annuel de plus de 150 millions.

Une autre question nous paraît devoir appeler l’attention du gouvernement, c’est celle de l’entretien des chemins qui auront été construits. Au moment de la préparation de la loi de 1868, on avait proposé de déclarer que l’entretien du nouveau réseau serait obligatoire pour les communes ; il nous sera permis de regretter que cette proposition n’ait pas été accueillie. Les efforts des populations, les sacrifices de l’état, ceux des départemens, ceux des communes, les souscriptions des particuliers, les labeurs des agens-voyers, tout cela ne saurait se dépenser en pure perte. C’est pourtant ce qui arrivera, si la négligence ou l’incurie laisse retomber les chemins vicinaux dans l’état où ils sont aujourd’hui. Quand l’entretien n’est pas régulièrement assuré, quand un cantonnier n’est pas placé en observation sur la voie, les fossés s’obstruent peu à peu, les plantes parasites envahissent les accotemens, les eaux séjournent sur la chaussée et la désagrègent, les pluies d’orage y creusent des ornières profondes ; au bout de quelque temps, le sol