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mais aussi les méthodes de culture se perfectionnent tous les jours : on fume, on sème avant de récolter, et le rendement approche d’un maximum. Que n’en est-il de même pour les eaux ! Que ne pouvons-nous anéantir ainsi les principales causes de stérilité de nos rivières ! Sans doute une partie de ces causes s’effacera devant la culture ; mais d’autres persisteront, car elles naissent de l’absence d’une législation protectrice vraiment efficace.

Nous pouvons en effet classer sous deux chefs les causes de dépeuplement de nos cours d’eau : les unes viennent du défaut de prévoyance et de culture systématique, les autres découlent des abus de récolte d’un produit poussant au hasard. Parmi les premières, il faut signaler l’absence de soins pour le repeuplement : la pêche en tout temps, même pendant la période de reproduction, la pollution des cours d’eau par les résidus industriels. Nous rangerons parmi les secondes le braconnage éhonté qui règne dans nos campagnes, l’empoisonnement pour la pêche, la capture des individus non adultes, les pêches à la main, et nombre d’autres pratiques plus ou moins répandues. C’est contre ces abus multiples qu’il serait grand temps de nous élever.


I

Constater l’absence complète de soins méthodiques pour le repeuplement, c’est constater simplement que la pisciculture est inconnue dans la plus grande partie de nos villes et dans toutes nos campagnes. De loin en loin, quelques amateurs, comprenant la grandeur de l’effort à faire, essaient de donner le bon exemple ; mais les semences, faites dans des eaux non préparées pour les recevoir, restent sans produit. Alors le découragement vient : les amateurs laissent inoccupés des appareils souvent établis avec une grande sollicitude, et la vieille routine reprend ses droits. Comment peut-il en être autrement d’efforts privés d’ensemble et de direction ? Avant d’ensemencer la terre, on lui fait subir certaines préparations ; avant d’ensemencer l’eau, il en doit être de même. Seulement la terre, immuable par sa nature, se renferme et se garde entre les mains de chacun ; l’eau coule partout et pour tous, elle ne doit donc être soumise qu’à des traitemens d’ensemble. En France, rien de pareil ne peut être fait ; notre législation n’a jamais soupçonné qu’il pût y avoir quelque chose à faire à ce sujet.

On pêche en tout temps, même pendant la période de reproduction, non, il est vrai, dans les fleuves et rivières navigables et flottables, soumis à l’amodiation continue et pourvus de gardes sur leur parcours, mais partout ailleurs, dans tous les autres cours d’eau, dont le nombre est immense, comparé aux premiers, et qui