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que chez les peuples du nord ; mais nous ne devons pas cacher que les difficultés naturelles ne sont pas seules à craindre, et que les plus terribles ; sont les difficultés que nous appellerons politiques. C’est ainsi que nous avons vu certains repeuplemens forestiers d’une réussite assurée livrés à la dépaissance pour satisfaire à quelque nécessité électorale. On n’avance pas ainsi, on recule. Mieux vaut ne pas défricher et ne pas ensemencer, si l’on n’a pas le courage de défendre son blé en herbe.

Le repeuplement des eaux fermées repose presque entièrement sur la multiplication d’un très petit nombre d’espèces particulières. On rencontre bien quelques représentans naturels de ces espèces dans les eaux ouvertes, mais ils y sont toujours peu nombreux relativement à celles qu’ils accompagnent. En effet, les cours d’eau les mieux empoissonnés ne renferment jamais qu’une quantité très restreinte de carpes et de tanches, si l’on compare ce nombre au peuple immense des poissons blancs qui y pullulent. Le brochet lui-même, pondérateur prédestiné d’une exubérance dangereuse, est moins nombreux dans les fleuves et les rivières que dans les étangs. Les eaux fermées, nous dira-t-on ; sont soumises au régime de l’initiative individuelle ; propriétés privées, elles doivent être l’objet des soins les plus assidus de leurs propriétaires, et par conséquent fournir un maximum de produits. Il n’en est rien. La France ne se doute même pas de ce qu’elle pourrait retirer de ses eaux fermées.

Parmi celles-ci, la moins importante comme étendue, mais certainement la plus considérable comme contenance totale, c’est la mare de la ferme. Eh bien ! il est permis d’affirmer que partout la mare est inhabitée. Que l’on n’objecte pas qu’elle assèche tous les ans ; si elle assèche, c’est qu’elle est mal faite et insuffisante, et sur cent, quatre-vingt-dix-neuf sont dans ce cas. L’ignorance préside à la construction, l’incurie règne dans l’aménagement. Autre chose est la mare telle que nous la comprenons, et les produits que l’alimentation générale est en droit d’attendre un jour de ce côté sont hors de proportion avec ce que suppose un premier coup d’œil. Prenons pour exemple une mare de 10 à 12 ares : c’est la grandeur que ; nous considérons comme suffisante pour une ferme moyenne ; beaucoup de propriétaires la trouveraient même luxueuse, car elle offre 3,000 mètres cubes d’eau à la consommation des habitans, des bestiaux et du jardin. La construction d’une telle mare est toujours et partout possible, et son approvisionnement, dépendant de l’eau adventive sans rien demander aux sources, est partout et toujours assuré. Supposons que l’on ne veuille pas s’occuper de la production des poissons de luxe, tels que le poisson-rouge ou cyprin doré de Chine, — culture très rémunérative, parce que les aquariums en consomment beaucoup, — mais que l’on s’en tienne à la culture