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toute campagnarde des espèces ordinaires des étangs. Il faut d’abord remarquer que nous ne devons pas appliquer au cas particulier d’une mare les règles générales d’empoissonnement des étangs d’alevinage ordinaires, parce que la quantité de nourriture fournie par la ferme est bien plus considérable que pour l’étang en plein champ. Si nous considérions notre mare comme un étang, elle ne devrait recevoir que cinq carpes femelles et trois mâles adultes, lesquels pourraient produire à la fin de l’année, à raison de 300,000 œufs seulement par femelle, la quantité immense de 1,500,000 alevins ! De ce nombre, il convient de rabattre d’un coup les cinq sixièmes, pour faire la part de la mort naturelle, de la nourriture des canards et des accidens. Il reste donc un petit troupeau de 200,000 à 250,000 feuilles. Or ces petits poissons, qui n’ont aucune valeur culinaire, sont fort recherchés pour le repeuplement des grands étangs. Le mille de feuilles d’un an, représentant un poids de 10 kilogrammes, à raison de 100 poissons par kilogramme, se vend sur place 0 franc 75 centimes. Ce n’est pas du poisson cher, puisque le kilogramme ne vaut ainsi que 0 franc 075 millimes ; néanmoins les 250,000 alevins rapportent 187 francs 50 centimes comme produit de la mare. Quel est le champ qui donne 187 francs annuellement par 12 ares ? En outre une mare, telle que nous la supposons, peut fournir, sans gêner l’élevage, une quantité d’eau considérable, — 2 mètres cubes par jour pour les besoins de la ferme, — et l’élevage, se faisant sans appareils, n’empêche ni l’élève des canards ni aucune autre source des revenus de la mare. Encore avons-nous mis la mare sur le même pied que l’étang ; mais, comme elle reçoit beaucoup plus de matière nutritive, on pourra sans danger augmenter le nombre des reproducteurs en proportion de la nourriture dont on disposera. Nous verrons plus loin qu’il sera bon de se borner à la fabrication des feuilles, et que l’élevage des grosses pièces, dont la chair, du. reste est médiocre dans les mares, doit être réservé pour les grandes étendues d’eau. On le voit, le produit de nos eaux fermées, sous leur forme la plus vulgaire et la moins importante, pourra être, quand on le voudra, très considérable. Multiplions par 200,000 ou 300,000, — car le nombre de nos mares n’est pas inférieur à ce chiffre, — le rendement que nous venons de calculer, et l’on sera émerveillé de l’immense richesse en jeunes poissons qui peut être ainsi créée chaque année sans frais.

Supposez maintenant tous nos étangs d’élevage convenablement aménagés, toutes nos retenues d’eau pour les usines, en un mot toutes nos eaux fermées repeuplées au moyen de ces millions d’alevins, et l’on peut être convaincu qu’il resterait encore disponible une quantité de jeunes suffisante pour remplir la plupart de nos rivières et de nos eaux ouvertes. Qu’attendons-nous pour le vouloir, pour