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déficit en céréales n’est pas trop inquiétant par lui-même, d’abord parce qu’il est relativement moins considérable qu’on le craignait au premier moment, puis parce que ce genre de denrées est d’un transport facile ; seulement notre récolte de fourrages a été si faible qu’il nous faudra en importer d’immenses quantités, si nous voulons conserver le reste de notre bétail. Les puissances neutres européennes peuvent-elles nous les fournir ? Les chemins de fer qui doivent nous ravitailler passent tous sur les petits états d’outre-Rhin. La Prusse empêche maintenant toute exportation de ce genre. Un convoi de blé et de moutons parti de Hongrie n’irait pas plus loin que la Bavière, à moins qu’il ne prît la route de la Haute-Italie, par Vienne, Venise, Gênes, Marseille : quel détour ! que de difficultés ! que de frais !

Combien une telle situation inspire de tristesse quand on songe qu’il eût suffi de le vouloir, de sacrifier quelques centaines de mille francs, pour créer une réserve de viandes à l’intérieur, réserve immense que rien ne pourrait nous enlever ! On m’objectera que tout ne peut être fait à la fois. Déjà l’agriculture a reçu des encouragemens de toute sorte, encouragemens dont elle a profité dans une très large mesure, nous en convenons. Pour elle se sont ouverts les comices, les écoles, les concours, les récompenses. Pourquoi faut-il qu’en même temps la culture des eaux n’ait pas reçu ces encouragemens ? C’est que la culture des eaux, nous l’avons déjà dit, a été mal commencée. Livrée dans sa période naissante à des essais sans ensemble, sans portée, elle a dévié, et aujourd’hui on la relègue à peu près au rang des utopies, La pisciculture est cependant un art et un art sérieux, plein de promesses, mais à la condition qu’on le traitera sérieusement, c’est-à-dire avec des ressources qui permettent de réussir.


III

Toute culture suppose un ensemencement et une récolte ; la culture des eaux n’échappe point à cette règle commune, et si nous rencontrons de loin en loin des lois et des règlemens concernant la récolte, nous devrions aussi en trouver qui regardent les semailles. Aucune loi chez nous ne régit les semailles, car nous ne pouvons vraiment donner le nom de réglementation à quelques vagues et incomplètes mesures sans cohésion prescrites ça et là parmi les articles de la loi sur la pêche, — loi de récolte. Aussi ne faut-il pas craindre d’affirmer que, telle qu’elle existe aujourd’hui, la réglementation des choses de l’eau est insuffisante et impraticable. Sans doute nous savons gré aux efforts de l’administration des travaux