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jour, le 4 septembre 1862, en dépit des fédéraux qui bloquaient le littoral. En janvier 1863, ce navire, réparé et pourvu d’un bon équipage, reprend la mer. On le rencontre d’abord dans l’Atlantique par le traversée New-York, dont il s’approche audacieusement. En juillet, il se présente aux Bermudes, où les autorités britanniques lui refusent de la houille ; néanmoins il traverse l’Océan, entre dans la rade de Brest et y dépose l’équipage d’un bâtiment de commerce fédéral qu’il avait capturé et brûlé sur les côtes d’Irlande. Il obtint l’autorisation d’entrer au bassin de radoub. M. Dayton s’en plaignit amèrement à M. Drouyn de Lhuys ; mais celui-ci répondit simplement que la Florida était après tout le vaisseau de guerre d’une puissance à laquelle les droits d’un belligérant n’étaient pas refusés, et qu’elle avait d’aussi bons motifs que le premier navire venu de jouir du bassin de radoub, qui est à la disposition de tout le monde. M. Dayton aurait même voulu qu’on lui refusât du charbon, sous le prétexte qu’elle marchait supérieurement à la voile, et que la machine à vapeur n’était pour elle qu’un engin superflu. Loin d’accéder à cette demande, le ministre des affaires étrangères soutint que la Florida aurait même le droit de recruter des matelots à Brest, si c’était nécessaire pour la mettre en état de naviguer. Il est juste de dire que M. Drouyn de Lhuys accordait la même faculté aux bâtimens de la marine fédérale. Toutefois c’était une façon de comprendre le rôle des neutres que lord Russell n’avait jamais admise.

La Florida, surveillée à Brest par le Kearsarge, s’évada sans trop de peine un jour que le croiseur fédéral avait quitté la station. Elle s’en alla sur les côtes du Brésil. Au mois d’octobre, elle était en relâche à Bahia, à portée d’une batterie de terre et à peu de distance du garde-côte brésilien, lorsqu’elle fut attaquée à l’improviste par le Wassuchets, de la marine fédérale, qui, s’en étant emparé, la prit à la remorque et la conduisit aux États-Unis. Peu après son arrivée au port, la Florida coulait bas par suite, dit-on, d’une voie d’eau reçue dans le combat et mal étanchée. L’empereur du Brésil protesta naturellement contre cette violation de la neutralité. Le président Lincoln fit des excuses, et renvoya le commandant du Wassuchets devant une cour martiale ; faute de mieux, le gouvernement brésilien dut s’en contenter.

Nous ne voudrions pas multiplier ces récits outre mesure. Que l’on nous en permette cependant encore un qui peint mieux le caractère des corsaires confédérés, et qui nous amène d’ailleurs à la fin de la guerre. Un jour, en octobre 1864, un bateau à vapeur qui appartenait à des armateurs de Bombay, et qui n’avait aucune des qualités requises pour la marine de guerre, part de Londres avec