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En face d’un pareil désastre, on comprend que la science ne pouvait rester inactive. On ne compte plus les théories qui furent proposées, les remèdes de toute sorte qu’on essaya les uns après les autres, — toujours sans succès. Enfin en 1865, la question fut abordée par un savant que ses travaux antérieurs signalaient comme particulièrement apte à ce genre de recherches. M. Pasteur, qui venait de répandre un jour inattendu sur les phénomènes si obscurs de l’altération spontanée des vins, accepta la mission d’étudier également les maladies des vers à soie et de chercher un moyen efficace de les combattre. Les deux volumes qu’il vient de publier résument les résultats de son nouveau travail, poursuivi sans relâche pendant cinq années consécutives. Ce travail a nécessité de pénibles efforts, qui ont altéré la santé du savant expérimentateur ; mais l’on peut espérer qu’il aura servi à sauver une grande industrie et à préserver de la ruine des provinces entières.

Le nombre des maladies auxquelles est exposé le bombyx du mûrier a été toujours exagéré par les auteurs, parce que, aux divers âges de l’insecte, une même affection peut revêtir des formes absolument dissemblables. M. Pasteur déclare qu’il ne connaît guère que quatre maladies distinctes : la grasserie, la muscardine, la pébrine et la flacherie, ou maladie des morts-flats. Ces maladies comprennent toutes les autres. Les deux premières n’ont aucune importance ; les désastres de la sériculture doivent être uniquement attribués à la pébrine et à la flacherie.

La pébrine a pour cause l’envahissement du ver à soie par les « corpuscules, » organismes parasites du genre psorospermie. Ces corpuscules apparaissent dans le ver à toutes les époques de son existence, ils se multiplient à mesure que cette existence se prolonge, et leur nombre atteint son maximum dans le papillon. Ils se reproduisent au moyen de germes qui s’en séparent ; on les rencontre dans tous les tissus, dans tous les liquides, dans les déjections même de l’animal. Toutefois il faut distinguer deux sortes de corpuscules : les uns brillans, durs, à contours nettement accusés, les autres ternes, très pâles, d’une structure délicate et faciles à détruire. C’est dans ces derniers que résident l’activité vitale et la faculté génératrice ; les premiers, les corpuscules vieux et secs, sont des organismes caducs, incapables de se reproduire. On les trouve en quantités innombrables dans la poussière des magnaneries, dans les cocons, à la surface des œufs, dans les débris des vers morts ; mais ils sont peu dangereux. Au contraire, les corpuscules jeunes, d’apparence terne, que l’on rencontre surtout dans les œufs, se développent et se multiplient dans les vers et produisent la pébrine ou maladie des taches. M. Pasteur a démontré qu’il est possible de se mettre à l’abri de cette maladie par le grainage au microscope.

Il ne s’agit que de s’assurer, par l’examen d’un certain nombre de chrysalides, que les lots de cocons que l’on veut employer au grainage