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patriarches, etc. On y peut lire entre autres les formules usitées pour demander l’approbation de l’empereur et de l’exarque de Ravenne toutes les fois que le siège de Rome est occupé par un nouveau titulaire. Si de tels documens supposent que l’église romaine ne jouissait pas alors de toute la liberté désirable, ils n’en servent pas moins à montrer que la conscience catholique de ce temps se résignait, sans trop se faire violence, à un état de choses qui ne lui paraissait pas absolument condamnable. Une autre pièce des plus intéressantes nous est fournie par l’office LXXXIV, qui contient la profession doctrinale des papes nouvellement élus. Là le nouveau pontife, maudit tous les hérésiarques du passé, particulièrement les chefs de l’hérésie monothélite encore récente, una eum Honorio qui pravis eorum assertionibus fomentum impendit, c’est-à-dire qu’il condamne son prédécesseur Honorius, coupable d’avoir favorisé leurs assertions criminelles. Ce document se retourne aujourd’hui contre, le pontife, ultramontain, car ou bien le pape Honorius a eu le tort, de pactiser, sciemment ou non, avec l’erreur monothélite, ou bien les papes qui ont fait cette profession doctrinale ont eu le tort d’anathématiser un prédécesseur innocent. On ne peut pas se tirer de là, et nos théologiens gallicans étaient dans leur droit quand ils opposaient tout dernièrement encore le cas d’Honorius aux fougueux partisans de l’infaillibilité papale.

Grâce aux données qui précèdent, on peut aisément fixer la date approximative de la rédaction de ce recueil de chancellerie. Il doit avoir été compulsé après le sixième concile œcuménique, qui condamna les monothélites ; par conséquent, après l’an 681 et avant l’année 751, qui vit tomber l’exarchat sous le coup de l’invasion lombarde.

La publication du Liber diurnus est donc venue en saison. Pourtant. l’éditeur n’a pas songé à faire une œuvre quelconque de parti. Son édition suppose des recherches qui datent déjà de loin et remontent visiblement à un temps où il ne pouvait prévoir la crise actuelle du catholicisme.

L’histoire de ce Liber diurnus est assez curieuse. Les circonstances politiques et ecclésiastiques qui avaient déterminé la rédaction des formules disparurent sans retour. Les formules furent ainsi frappées de déchéance. Remplacé par d’autres recueils, le Liber diurnus tomba dans l’oubli. L’existence en était même passée à l’état de problème, quand, vers le milieu du XVIIe siècle, l’érudit Luc Holstein, de Hambourg, découvrit à Rome un des rares manuscrits qui existaient encore. Il en prit copie et put comparer au manuscrit romain quelque peu gâté le texte d’un autre manuscrit qu’on venait de retrouver en France, au collège de Clermont. On était en 1650, et l’édition allait paraître lorsque la censure romaine opposa son veto. Les exemplaires déjà imprimés furent saisis et relégués dans un cabinet du Vatican.