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ayons encore rencontrés. Leur taille ordinaire est de 5 pieds 9, 10 et 11 pouces, mais ils sont encore moins étonnans par leur taille que par les proportions colossales des différentes parties de leur corps ; notre curiosité, qui nous portait à les mesurer très souvent, leur fit faire des comparaisons fréquentes de leurs forces physiques avec les nôtres. Ces comparaisons n’étaient pas à notre avantage, et nous devons peut-être nos malheurs à l’idée de supériorité individuelle qui leur est restée de ces différens essais. Leur physionomie me parut souvent exprimer un sentiment de dédain que je crus détruire en ordonnant de faire devant eux usage de nos armes ; mais mon objet n’aurait pu être rempli qu’en les faisant diriger sur des victimes humaines, car autrement ils prenaient le bruit pour un jeu et l’épreuve pour une plaisanterie… » Et plus loin : « Je laisse volontiers à d’autres le soin d’écrire l’histoire peu intéressante de ces peuples barbares. Un séjour de vingt-quatre heures et la relation de nos malheurs suffisent pour faire connaître leurs mœurs atroces, leurs arts et les productions d’un des plus beaux pays de la nature. »

Ce portrait a cessé d’être exact en ce qui touche les mœurs des Samoa. Comme nous l’avons déjà dit, la population entière de l’archipel est aujourd’hui chrétienne. Les missionnaires protestans, wesléyens et indépendans, venus, les uns de Tonga, les autres de Teute, les missionnaires catholiques, venus plus tard sur leurs traces, s’en partagent aujourd’hui la direction morale et religieuse. Les indépendans (religion de Taïti) comptent 17,000 catéchistes ; les wesléyens (religion de Tonga) 10,000 ; le reste de la population, environ 5,000 âmes, est catholique.

L’île d’Opoulou, « la plus belle de la Polynésie, » n’est que la seconde en étendue de tout l’archipel ; mais par sa richesse et sa population elle en est la plus importante. Ses chefs tiennent le premier rang dans l’ordre politique. Bien qu’il soit difficile, même pour les personnes le mieux au courant de la langue, des traditions et des coutumes des Samoans, de préciser dans ses détails l’organisation sociale et politique qui les régit, on peut dire que cette organisation affecte dans son ensemble la forme d’une république fédérative. Les villages ou plutôt les districts élisent leurs chefs dans une famille privilégiée. Ces districts, se groupant entre eux et autour d’un district plus important, constituent une province. La ville, chef-lieu du district, devient le chef-lieu de la province, dont le chef élu ne peut être que le chef élu de ce dernier district. Il prend alors le titre de tui, auquel se joint le nom de la province qui l’a nommé.

Opoulou se divise ainsi en trois provinces : à l’est, Atua, qui a pour capitale Lufi-Lufi, dont le chef (quand cela plaît au district de