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qui, dans leur intérêt même, ne peuvent vouloir que le développement et le bien-être des populations qu’ils dominent, et qui meurent dans leurs mains, n’est-ce pas se méprendre grossièrement sur la réalité ? Mais on a vu des îles aussi pauvres, plus déshéritées que les Gambiers, s’élever à une prospérité réelle, comme l’île Saint-Vincent du Cap-Vert. Le hasard qui a placé cet archipel sur une des grandes routes commerciales du monde a seul créé cette prospérité. Les îles Gambiers peuvent-elles rêver cette heureuse chance ? Sans doute elles éclairent la route du cap Horn, de l’Amérique du Sud en Océanie, mais avec la vapeur, qui fit la fortune de Saint-Vincent, cette route est chaque jour abandonnée. Quand la Royal mail Company entretenait une ligne de Panama en Australie, le point de relâche de ses paquebots fut choisi à Rapa, 400 lieues plus à l’ouest. Le sort des Gambiers semble donc écrit, le peu de bruit qui s’est fait autour d’elles va s’éteignant, la population de ces îles végétera probablement quelques années encore dans l’état de torpeur dont rien ne semble devoir la retirer, puis elle disparaîtra pour toujours.

Bien différent apparaissent et l’état actuel des Wallis et l’avenir qui leur semble réservé.

L’archipel ou plutôt le groupe des Wallis, qui doit ce nom à l’illustre navigateur qui le découvrit en 1767, est situé par le 12e degré de latitude sud et le 179e degré de longitude occidentale de Paris. Il se compose d’une île centrale, Uvea, d’origine volcanique, et d’une série d’îlots madréporiques jetés en cercle autour de l’île centrale, reliés entre eux par une ceinture à peine interrompue de récifs. Si les Gambiers, ou, pour mieux dire, si Magareva est une miniature de Taïti dont elle a les aspects pittoresques, Uvea rappelle par ses contours extérieurs, où rien n’est heurté, et surtout par l’universelle fécondité du sol, l’archipel de Samoa ; elle n’en est d’ailleurs séparée que par moins de 80 lieues,- et semble en être le prolongement. Sur la carte, Uvea affecte la forme d’un cercle régulier ; vue du large, elle justifie la vieille, mais charmante comparaison d’une corbeille de verdure s’élevant au milieu des flots. Trois chaînes de collines d’une hauteur moyenne de 200 mètres s’élèvent en pentes douces, couvertes d’une riche végétation où déjà de vastes clairières attestent çà et là le travail de l’homme. Deux grands lacs, dont les bassins sont peut-être les cratères de volcans éteints, servent de réservoir aux eaux intérieures qui partout jaillissent et serpentent aux flancs des collines avant de se jeter à la mer. Toutes les productions des Samoa s’y retrouvent avec la même abondance, et les essais pour y introduire le caféier, la canne à sucre, le coton, ont donné les mêmes résultats favorables. La superficie de l’île est de 2,500 hectares d’un sol