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immobilité à laquelle voudrait les condamner un système hostile à l’émigration européenne ? L’ardeur religieuse de la génération qui se livra aux missionnaires après les avoir longtemps combattus n’anime pas les générations nouvelles. Leurs croyances sont aussi profondes, aussi sincères ; mais elles n’ont pas, elles ne peuvent avoir ce caractère de lutté qui suffisait à l’activité instinctive de leurs pères : elles ne peuvent dès lors suffire à la leur. D’autres idées, ou, si l’on veut, d’autres besoins les préoccupent. La civilisation européenne attire ces Indiens par ses mirages souvent trompeurs. Plus d’un écoute avec une ardente curiosité les récits des matelots qui viennent leur apporter, en échange des productions de leur île, quelques-uns des plus grossiers produits de cette civilisation. Un des chefs d’Uvea a vu Rome et Paris, alors qu’enfant il suivait le commandant Marceau : avec quel enthousiasme il en évoque les souvenirs ! J’ajouterai avec quelle tristesse il compare l’état de son île natale à celui de ces grandes villes qu’il a un moment traversées, la vie monotone qu’il a reprise à celle de ces sociétés européennes dont il a compris les merveilleuses élégances et les supériorités intellectuelles ! Les symptômes de ces tendances, que le temps ne peut que développer, le mouvement des archipels voisins, l’influence qu’il aura sur les Wallis, indiquent aux missionnaires catholiques la voie qu’ils doivent suivre, la seule qui puisse assurer ces transformations imminentes sans que les idées religieuses des populations aient à en souffrir, la seule aussi qui puisse sauvegarder leur indépendance en les préservant de toute intervention étrangère.


TH. AUBE.