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LE
CREDIT AGRICOLE

Dans les départemens du centre et du midi, c’est-à-dire dans les trois quarts environ de la France, les cultivateurs n’emploient qu’un outillage rudimentaire. La vapeur est presque toujours absente de ces exploitations, et les animaux eux-mêmes, ces machines vivantes, n’y sont entretenus qu’en trop petit nombre. L’amendement du sol est rarement entrepris soit par le propriétaire, soit par le fermier : déplorable négligence dont les suites sont difficiles à calculer. Ce que nous savons, c’est qu’au centre de la France s’étendent des millions d’hectares presque improductifs aujourd’hui, et qui deviendraient des terres de première qualité, si elles étaient drainées. Au midi, les récoltes pourraient être doublées sur les terres argilo-siliceuses, si tous les vingt ans le sol était couvert de marne ou de chaux. Quant à la fumure annuelle, les cultivateurs de ces départemens ne saisissent pas toujours l’occasion de suppléer par des achats d’engrais à l’insuffisance de ceux que produit la ferme. Souvent ils n’ont pas le fonds de roulement qui est indispensable à toute exploitation bien organisée. Que de fois n’arrive-t-il pas que des animaux utiles à la prospérité de la ferme sont vendus pour procurer un peu d’argent à leur maître ! Au moins voit-on fréquemment les cultivateurs retarder jusqu’à la vente de la récolte l’achat des animaux dont ils ont besoin. Dans l’intervalle, un temps précieux a été perdu, le moment opportun pour faire certains travaux est passé.

D’où vient que dans notre pays la première des industries manque de capitaux ? Un grand nombre de déposans ont soutenu devant les commissaires de l’enquête agricole que ce mal tenait à l’absence de crédit. L’argent, ont-ils dit, se détourne du sol pour courir au commerce et à la spéculation, et il ne faut pas s’en étonner, puisque tout a été fait, selon eux, pour organiser et développer le