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faiblit. Or ce sont là précisément les indices d’une moindre énergie dans la destruction opérée par notre flamme intérieure. Ajoutons que le thé, le cacao et une autre substance végétale exotique, la coca, sont doués de propriétés semblables à celle du café. La coca surtout possède au plus haut point une pareille vertu ; malheureusement cette substance est rare.

Le docteur Rabuteau, s’appuyant sur ces données et voulant en faire une application pratique, a exécuté de nouvelles expériences très démonstratives ; nous n’en citerons qu’une. Il prit deux chiens de même taille et dans les mêmes conditions. A l’un, il donna chaque jour pour toute nourriture un mélange de 20 grammes de cacao, 20 grammes d’infusion de café et 10 grammes de sucre ; à l’autre, il donna 20 grammes de pain, 10 grammes de beurre et 10 grammes de sucre. Au bout de huit jours, le premier se portait très bien, l’autre était près de mourir. — Le même physiologiste pense qu’un homme pourrait vivre plusieurs mois et conserver de la force en faisant usage quotidiennement de 150 grammes d’un mélange de 1,000 grammes de cacao, 500 grammes d’infusion de café, 200 grammes de thé infusé et 500 grammes de sucre ; ce mélange desséché ne pèse que 1,500 grammes. Il pourrait par conséquent suffire à l’alimentation pendant dix jours. Évidemment ce serait un avantage considérable de pouvoir renfermer de la nourriture pour un temps aussi long sous un volume et sous un poids aussi minimes. Les difficultés du transport sont ainsi réduites et les embarras de la cuisine supprimés, puisque cette composition se prépare à l’avance et pour un temps assez long.

M. Claude Bernard, en communiquant à l’Académie des Sciences le travail de M. Rabuteau, en a proclamé hautement l’intérêt aussi réel qu’opportun. Nous croyons comme lui qu’il y a là d’excellentes indications. Si les formules de l’auteur sont un peu absolues, l’idée en est exacte, et il en faut décidément tenir compte aujourd’hui. Sans renoncer complètement à la nourriture ordinaire, il convient de la ménager autant que possible et d’y suppléer par l’emploi de ces substances, qui, en petite quantité, conservent dans l’économie la matière et la force. Il convient d’avoir plus souvent et plus généralement recours, pour se préparer aux marches et aux fatigues ou encore pour s’en remettre, aux vertus bienfaisantes du café, du thé, du cacao. Ce sont les alimens les plus hygiéniques et en réalité les plus économiques.

L’alimentation des citoyens n’est pas seulement liée à la conservation de leur santé et de leurs forces, elle l’est encore à leur énergie et à leur courage. Les fatigues d’une campagne ou d’un siège exigent que les combattans soient très bien soutenus par une nourriture réconfortante. Frédéric le Grand disait que les soldats ont le cœur dans le ventre. C’est très vrai. Il est ici d’une importance capitale que l’estomac soit satisfait, et l’organisme entretenu. C’est aussi une condition pour