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résister aux influences d’une atmosphère viciée, propice au développement des épidémies. L’historien médical de la guerre de Crimée, Scrive, observe que, si les officiers y ont été épargnés par les maladies contagieuses, c’est qu’ils avaient de bons abris et une bonne nourriture. Il faut donc se pénétrer de ce principe, que l’alimentation insuffisante est surtout funeste à l’homme de guerre. Nos citoyens soldats ne devront rien négliger pour n’en pas souffrir, et il y a lieu de croire que les mesures prises par l’autorité assureront sans difficulté un aussi désirable résultat.

Nous devons nous occuper enfin des soins à donner aux blessés, non pas au point de vue chirurgical ou médical, ce qui n’intéresserait que les hommes de l’art et ce qu’il n’est pas besoin de leur apprendre, mais au point de vue de la salubrité de leurs demeures et des conditions de leur convalescence, ce qui intéresse tout le monde. Un des faits les mieux établis de l’hygiène, c’est l’innocuité des opérations et la rapidité de la guérison chez les malades habitant la campagne. Ils trouvent dans leur éloignement de toute agglomération, dans l’air et la verdure qui les entourent, des raisons certaines de guérir. Au contraire les opérés des grandes villes, principalement ceux des hôpitaux, à Paris surtout, sont victimes d’une forte mortalité, qui décroît cependant depuis quelque temps, grâce aux progrès de l’hygiène. Partout où des blessés sont accumulés, on reconnaît, du huitième au douzième jour, les lieux où ils séjournent à l’odeur de suppuration et de gangrène qui s’en dégage. Quelques jours plus tard, l’infection est générale, et alors peu d’opérés échappent à la mort. Le personnel médical et hospitalier est atteint également par des affections gastro-intestinales plus ou moins graves.

Quelle conclusion faut-il tirer de là, sinon la nécessité de disséminer le plus vite possible tous les blessés et de les placer dans des conditions hygiéniques favorables ? L’Amérique, dans la guerre de la sécession, avait rapidement organisé un admirable service pour atteindre ce but : transports et évacuations rapides par chemins de fer et navires appropriés, magnifiques baraquemens où s’accumulaient toutes les ressources eh viandes fraîches, conserves, fruits, légumes, laitage, glace, — pharmacies complètes, chirurgiens chargés, sans intermédiaires inutiles et par cela même dangereux, de la direction de tous les services. Ordre était donné de brûler les ambulances improvisées aussitôt qu’une apparence d’infection venait à compromettre la salubrité ; rien ne fut négligé par la grande république pour assurer le salut des blessés. la France, il faut le confesser, n’en est pas encore là. Cependant de grandes améliorations ont été introduites dans notre service sanitaire, et, grâce aux efforts combinés de la médecine militaire et de l’Association internationale de secours aux blessés, des résultats fort satisfaisans ont été obtenus sous ce rapport dans la campagne actuelle.