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60,000 hommes, mais non 50 à 60,000 soldats, Aux époques de malheurs et de grandes calamités, les états peuvent manquer de soldats, mais ne manquent jamais d’hommes pour leur défense intérieure ; 50,000 hommes, dont 2 à 3,000 canonniers, défendront une capitale, en interdiront l’entrée à une armée de 3 à 400,000 hommes, tandis que ces 50,000 hommes, s’ils ne sont pas des soldats faits et commandés par des chefs expérimentés, sont mis en désordre par une charge de 3,000 hommes de cavalerie.

« Au retour de sa campagne d’Austerlitz, l’empereur s’entretint souvent et fit rédiger plusieurs projets pour fortifier les hauteurs de Paris. La crainte d’inquiéter les habitans, les événemens qui se succédèrent avec une incroyable rapidité, l’empêchèrent de donner suite à ce projet[1]. »


Lorsqu’il y pensa de nouveau en 1814, il était trop tard, et l’absence de fortifications rendit stériles tous les efforts qu’il fit dans ces plaines de Champagne, théâtre de sa lutte désespérée contre la fortune. Pour toute âme patriotique, la campagne de France était la plus complète démonstration de la nécessité de fortifier Paris. En 1818, convaincu de cette nécessité, le maréchal Gouvion Saint-Cyr, après avoir donné à la France la loi militaire qui a mérité de porter son nom, proposa de relever les remparts de la capitale. L’illustre maréchal était digne de reprendre la pensée de Vauban. Il institua une grande commission chargée d’étudier la défense du territoire et d’examiner la nature des ouvrages qui seraient propres à couvrir Paris. Dès la première séance, le général Marescot, qui présidait cette commission, annonçait, au nom du maréchal, que la défense particulière de Paris était la question principale et la base du système à établir. Dans sa séance du 18 juillet 1820, la commission reconnut à une grande majorité la nécessité de mettre Paris en état de défense. On admit un système mixte : des forts détachés seraient établis sur les points dominans, et le mur d’enceinte devait être renforcé par divers ouvrages.

Déposé en 1822, le rapport de la commission fut l’objet des méditations de M. de Clermont-Tonnerre, qui était alors ministre de la guerre ; il n’hésita pas à proposer l’exécution de quelques travaux, mais le mauvais accueil fait par le conseil du roi au projet de fortifier Lyon le découragea, et la restauration s’acheva sans que cette entreprise eût été commencée.

Les avertissemens n’avaient pourtant pas manqué. À côté des projets du sage Gouvion Saint-Cyr, jusque dans le sein de la famille royale, Louis XVIIIavait trouvé les mêmes alarmes et entendu des conseils analogues. Le duc d’Orléans, associé dès sa jeunesse aux

  1. Commentaires de Napoléon Ier, Paris 1867, in-4o, t. V, p. 104-106.