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Paris. Ce plan fut l’objet d’un mémoire rédigé par M. de Chabaud-la-Tour et soumis quelques jours plus tard par le prince au conseil des ministres. Chaudement appuyé par M. Thiers, qui était devenu l’infatigable champion d’une idée que l’histoire et son amour pour la patrie lui avaient depuis longtemps inspirée, ce projet fut définitivement adopté malgré les objections du général Dode de la Brunerie, qui ne tarda pas à s’y rallier sincèrement.

Entre le système qui triomphait et les conclusions de la commission de 1836, il y avait en effet plusieurs différences qu’il importe de noter. La commission avait toujours parlé d’un mur d’enceinte, d’une muraille, entendant élever ainsi une ligne de défense sérieuse, mais nullement, comme le voulait le nouveau plant, une série ininterrompue de bastions, avec une escarpe de 10 mètres et des glacis pour en protéger les abords. Il en était de même du fossé qui devait protéger sur toute la ligne le rempart en augmentant les difficultés de l’approche. En un mot, l’enceinte de sûreté devenait une enceinte de siège de premier ordre, devant laquelle l’ennemi devrait ouvrir la terre et dresser des batteries de brèche. Les forts détachés avaient été également l’objet des hésitations des membres du comité du génie, qui parlaient d’en établir notamment sur la rive droite, ce qui impliquait un délai pour les forts de la rive gauche. On admit dans le nouveau projet la construction immédiate des forts tout autour de l’enceinte.

Ces deux changemens au projet du général Dode furent décidés par le conseil des ministres, et dès les premiers jours de septembre le génie, mis en possession de terrains acquis à l’amiable, entreprenait, sous la responsabilité du cabinet qui les avait prescrits, cette série de grands travaux qui excitaient alors plus de surprise que d’admirations. La France apprit par une note insérée au Moniteur du 13 septembre 1841 le commencement de cette gigantesque entreprise. Diverses ordonnances rendues le 10 septembre, les 4 et 25 octobre, avaient ouvert au ministre de la guerre un crédit de 13 millions affectés à cet objet.

L’opinion publique, justement alarmée de la tournure qu’avaient prise les affaires d’Orient, comprit que cette mesure satisfaisant la dignité blessée de la France. Aussi la nécessité de défendre Paris était-elle généralement reconnue quand le cabinet de M. Thiers fit place au ministère du 29 octobre, présidé par le maréchal Soult. Bien que sa politique fût différente, celui-ci accueillit le projet comme un héritage que l’honneur commandait d’accepter. Dès le 12 décembre, il était en mesure de présenter à la chambre des députés le projet de loi, et le 13 janvier 1841 M. Thiers, choisi par la commission comme son organe naturel, déposait le beau