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22 avril, qu’on l’avait lu, examiné et communiqué aux états-généraux de Hollande, qu’après avoir fait ce pas on croyait raisonnable de provoquer une explication sur le contenu du premier article, et que le ministre français fit connaître ce qu’il entendait par ces paroles : que les Anglais auraient des sûretés réelles pour exercer désormais leur commerce en Espagne, aux Indes et dans les ports de la Méditerranée. L’abbé Gautier sollicitait une prompte réponse. Le marché était nettement proposé. L’habile Torcy y répondit le 31 mai de Marly : « Vous pouvez assurer ceux qui vous emploient que l’on a la parole du roi d’Espagne de laisser aux Anglais Gibraltar pour la sûreté réelle de leur commerce en Espagne et dans la Méditerranée ; vous ajouterez qu’il n’a encore été fait aucune proposition à sa majesté catholique pour la sûreté du commerce des Indes, parce qu’il faut savoir auparavant ce qui peut convenir sur ce sujet à l’Angleterre. Demandez-le donc, et aussitôt que vous m’en aurez instruit, on agira fortement. » La cour de Londres, qui évidemment marchandait en cette affaire, désirait la propriété de quelques places de l’Amérique avec l’île de Minorque, et faisait entendre que, si la France lui procurait ces concessions, elle en recevrait des marques de reconnaissance lorsqu’il s’agirait de régler sa barrière dans les Pays-Bas. Philippe V s’était déjà résigné au sacrifice de Gibraltar et de Minorque ? mais Louis XIV, espérant lui sauver l’un ou l’autre, ne se pressa pas d’informer de ces intentions les ministres anglais, qui eux-mêmes ne s’expliquaient encore que vaguement sur le commerce de l’Amérique espagnole.

Dès que les Hollandais apprirent que l’Angleterre poussait sa négociation avec la France, ils résolurent d’y entrer de leur côté, afin d’enlever à la cour de Londres les avantages commerciaux qu’elle devait s’en promettre. Au fond, leur but était de continuer la guerre aux dépens de l’Angleterre et de se rendre maîtres de la paix, lorsqu’ils jugeraient utile de la conclure. Ils firent dire à M. Torcy par un agent secret que, si le roi voulait renouer directement avec eux, il aurait sujet d’en être satisfait. Le ministère anglais en fut instruit et somma le cabinet de Versailles de s’expliquer catégoriquement à cet égard. Repoussés alors par la France, les Hollandais répondirent à la communication de la reine d’Angleterre que la république était disposée à se joindre à elle pour obtenir une paix définitive et durable. Il y eut à cette heure quelque ralentissement dans l’action de l’Angleterre par suite de difficultés ministérielles que nous ne pouvons détailler ici, mais qui faillirent tout compromettre. La position du ministère s’étant raffermie, la reine envoya le célèbre poète Prior, sous-secrétaire d’état, qui, accompagné de l’abbé Gautier, devait s’aboucher avec M. de Torcy, sonder à fond les