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La France et l’Espagne sont donc maintenant plus divisées que jamais, et ainsi, par l’assistance de Dieu, il se trouvera une balance de pouvoir réellement établie en Europe, de manière à n’être sujette qu’à ces accidens imprévus desquels il est impossible d’affranchir entièrement les affaires humaines. »


Le discours de la reine, bien accueilli par les communes, le fut fort mal à la chambre haute. On s’y épuisa en argumens pour prouver que le projet du ministère était fondé sur des chimères et aboutissait à rétablir la monarchie universelle au profit de la maison de Bourbon. Ce fut alors que, pour obtenir une nouvelle garantie de la séparation des couronnes, le ministère anglais demanda au cabinet de Versailles, à titre de complément de sûreté, la renonciation des princes français de la ligue collatérale de Bourbon à toute prétention éventuelle an trône espagnol, comme l’équivalent de la renonciation de Philippe V au trône de tance. Lord Bolingbroke demandait en outre que les renonciations fussent solennellement acceptées par le roi et ratifiées par les états du royaume, tout comme par les cortès d’Espagne. Un armistice devait faciliter le moyen d’accomplir ces grandes et mémorables formalités. Nouvelles objections de M. de Torcy ; malgré les extrémités où l’on était réduit, il répondit le 22 juin « que, pour donner à la reine une preuve évidente de sa confiance absolue, sa majesté lui déclarait que ce serait perdre entièrement tout le fruit d’une négociation conduite heureusement jusqu’au point de la conclusion que d’insister sur la ratification des états du royaume. Les états en France, dit-il, ne se mêlent point de ce qui regarde la succession à la couronne ; ils n’ont le pouvoir ni de faire, ni d’abroger les lois… Comme le roi croit être assuré des véritables intentions de la reine, sa majesté est persuadée que cette princesse cherche seulement une sûreté pour la renonciation, qu’il suffit par conséquent d’en indiquer une plus conforme à nos rasages, et qui me sera pas sujette aux inconvéniens de l’assemblée des états, qui, n’ayant point été convoqués depuis près de cent ans, sont en quelque manière abolis dans le royaume. Cette sûreté sera de faire publier et enregistrer dans tous les parlemens du royaume la renonciation que le roi d’Espagne aura faite, pour lui et ses descendans, à la couronne de France. Les édits et les déclarations revêtus de cette forme on force de loi. Les Français sont accoutumés à cet usage ; il se pratique à l’égard des traités faits avec les puissances étrangères. » Lord Bolingbroke ne fit plus de difficulté. Il reconnut la suffisance de cet enregistrement dans tous les parlemens, et l’on poursuivit le cours des négociations.