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demeure une espèce assez fréquente en Pologne et en Suède ; pour les modernes, elle est une rareté. Devenue déjà peu commune en Europe, il y a moins d’une centaine d’années, elle restait fort abondante à cette époque au nord des États-Unis d’Amérique ; mais chaque hiver la chasse s’est faite avec plus d’âpreté, et le bel animal a cessé d’être une ressource pour la vie des habitans.

Dans les premiers temps, notre cerf d’Europe errait partout en troupes sous les grands bois, et maintenant il n’existe plus guère en France ailleurs que dans des forêts particulièrement bien gardées, où l’on peut compter les individus. Chacun a entendu des chasseurs émérites répéter en parlant des cerfs : Bientôt il n’y en aura plus. Les petits ruminans, qui se plaisent sur les escarpemens des plus hautes montagnes, au voisinage des glaciers, ne sont pas épargnés. La destruction du chamois et du bouquetin s’accomplit avec une désolante rapidité, et cette destruction, on l’effectue sans autre objet que l’envie d’offrir une preuve de son adresse. Le montagnard est fier d’avoir tué un chamois, et s’il en a tué beaucoup, il s’imagine être un personnage digne d’admiration. Allez en Suisse, on vous montrera en cent endroits une partie de la montagne où l’on voyait naguère des troupeaux de chamois, et vous entendrez affirmer d’une manière presque invariable qu’à présent il en reste bien peu, ou qu’il n’en reste plus. Allez aux Pyrénées ; dans cette région, le chamois s’appelle l’isar, on vous dira que l’isar est maintenant d’une extrême rareté. Le chamois, l’unique représentant européen du groupe des antilopes, se trouvant disséminé sur toutes les grandes montagnes de l’Europe, résistera sans doute longtemps aux poursuites incessantes des chasseurs ; mais le joli bouquetin des Alpes, autrefois très répandu, n’existe déjà plus que dans une partie fort restreinte des Alpes piémontaises et peut-être dans quelque coin du Mont-Blanc. Chamois et bouquetin, animaux agiles des régions du plus difficile accès, prompts à fuir sous l’impression du danger, échappaient souvent aux coups des chasseurs quand les armes ne portaient point à longue distance ; les armes de précision sont devenues le fléau des bêtes alpines.

Ainsi, depuis les temps historiques, le bos primigenius, l’énorme bœuf aux larges cornes de la Gaule et de la Germanie, a été exterminé. Le bison, le plus grand des mammifères de l’Europe actuelle, est sur le point de disparaître. Les autres ruminans sauvages sont menacés d’une destruction plus ou moins prochaine, et les autorités locales de chaque pays comprennent à peine la nécessité de mettre un terme à un mal déplorable qui sera bientôt sans remède.

L’histoire du castor est trop connue pour être ici longuement reproduite. Mammifère intéressant au plus haut degré par ses mœurs,