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degré par de grandes proportions ou par des caractères de conformation en quelque, sorte exceptionnels ont complètement disparu. Pour les unes, le fait est certain ; pour les autres, il est fort à présumer. Incapables de voler et confinés dans des îles, ces oiseaux ne pouvaient se soustraire aux atteintes des hommes ; les hommes les ont exterminés.

Lorsque, dans les premières années du XVIe siècle, Pedro de Mascarenhas découvrit les îles de l’Océan indien, appelées du nom du navigateur portugais les îles Mascareignes, Maurice, Rodriguez, Bourbon, autrefois Sainte-Appollonia et maintenant l’île de la Réunion, ces terres, couvertes d’une riche végétation, étaient peuplées de nombreux oiseaux. A côté d’espèces appartenant à des groupes représentés dans d’autres parties du monde, comme des perroquets, des moineaux, des pigeons, des canards, vivaient certaines espèces qui excitaient l’étonnement des navigateurs par un aspect vraiment insolite. C’était le dronte ou dodo, c’était le solitaire, qui ont été de la part d’auteurs modernes le sujet d’une foule d’écrits. Longtemps les naturalistes conservèrent l’espérance de retrouver sur quelque point du globe ces créatures étranges qui n’avaient de parenté étroite avec aucune autre créature ; mais les plus actives recherches ont été infructueuses, toute espérance dut être abandonnée. Bien des efforts furent tentés pour reconstruire d’une manière scientifique, à l’aide de quelques débris et de quelques images imparfaites, les curieux oiseaux anéantis sans amener d’abord de résultats bien satisfaisans. Depuis peu, des ossemens de ces espèces éteintes, recueillis en assez grande quantité soit à Rodriguez, soit dans un marais de l’île Maurice, ont permis d’acquérir des notions plus certaines.

Le dronte avait une taille supérieure à celle du cygne et un aspect des plus extraordinaires. C’était un corps tout massif porté sur de grosses pattes courtes semblables à des piliers, un cou goitreux, une tête ronde garnie d’un bord de plumes avancé sur le front à la manière d’un capuchon, de gros yeux noirs cerclés de blanc, et un bec énorme dont les deux mandibules, renflées vers ; le bout et terminées en pointe en sens contraire, ont été comparées à deux cuillers s’appliquant l’une contre l’autre par la face concave. Le dronte avait des ailes ; seulement ces ailes, toutes petites, véritables rudimens, n’étaient capables d’aucun usage ; il avait une queue, mais cette queue était réduite à une sorte de houppe composée de quatre ou cinq plumes crépues. Enfin il avait un plumage soyeux, de couleur grise, plus claire sur les parties inférieures que sur le dos, et nuancée de jaune aux ailes et à la queue. L’animal, absolument disgracieux, lourd, d’une physionomie stupide, inspirait la répugnance. Buffon, qui en parla, comme nous-même,