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assemble sa compagnie pour l’assurance contre les voleurs. Remarquez bien la nature de l’entreprise, et comme elle se rattache à la profession de Macaire. C’est par là même que la situation est le plus plaisante. Au sortir de là, ses exploits reprennent leur cours ; à vole, en signant le contrat, son beau-père, qui lui rend la pareille ; il vole à l’écarté. Cet acte au reste est très bien rempli, et le héros ne le laisse pas languir un moment. Au quatrième acte, il ne vole rien, si ce n’est le lit et le bonnet de nuit du commissaire, qu’il a endormi avec de la poudre narcotique. Au dénoûment, reconnaissance générale : le baron de Wormspire est le père de Macaire, Eloa est la fille de Bertrand ; ils s’embrassent tous, et la parade est complétée par une apothéose. Robert et Bertrand s’enlèvent dans un ballon orné de guirlandes et de verres de couleur. Est-ce là une satire contre les hommes d’argent, et Macaire est-il un financier ? Son beau discours philanthropique touchant « les mauvaises passions qui se déchaînent sur l’ordre social avec la fougue du torrent » prépare assez bien la proposition d’une entreprise commerciale. Le travail mis entre les mains des actionnaires, M. Gogo qui demande le dividende, le nouvel appel de fonds dissimulé sous le projet d’une nouvelle compagnie pour diriger la police du royaume, enfin la défaillance de Robert qui s’évanouit pour n’être pas obligé de répondre à M. Gogo, tout cela est un épisode des tripotages financiers de la pire espèce, mais ce n’est qu’un épisode. Les auteurs l’ont trouvé tout fait dans Scribe et dans Picard. Déjà le M. Clairénet de Scribe réclamait le dividende comme M. Gogo ; déjà la Mme Durville de Picard s’évanouissait à point nommé comme Macaire. Ce qu’ils ont trouvé tout fait et à demi oublié, ils l’ont pris et mis à leur usage : ils ont eu raison. C’est un coup de maître d’avoir mis un voleur à la tête d’une assurance contre les voleurs ; mais c’est une raison de plus pour croire que le héros ne revêt l’emploi de financier que par hasard, et que les auteurs y avaient à peine songé. Le public s’est chargé d’en faire l’application. Au fond, Robert Macaire est une parodie des théories ambitieuses, des faux sentimens et de la littérature outrée de 1830 à 1834. Patriotisme, probité, amour paternel, passion, tendresse de cœur, tout y passe pour être couvert de boue et foulé aux pieds. Le coryphée du romantisme, dans la personne d’un acteur populaire sur les boulevards, se chargea de faire rire 4 de toutes les émotions qu’il avait su produire. Il fit la satire de son art et de son talent. A toute poésie, à toute éloquence, il jeta le mot de blague qui termine et couronne la pièce.

La vraie satire des parasites du crédit, aventuriers de la Bourse et loups-cerviers, c’est Mercadet. Avec cette réserve que nul dans la pièce n’est réellement honnête, ni entièrement dupe, si ce n’est