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charge des fermiers ; ils y sont soignés de la manière la plus économique et avec toutes les précautions que les propriétaires apportent à la conservation de leur bien. L’expérience comme le raisonnement démontre que ce moyen est le seul qui soit praticable. On a voulu également augmenter par des primes le nombre des reproducteurs de chevaux de selle. À cet effet, il en a été accordé pour les jumens et surtout pour les étalons. C’est le but des haras.

Longtemps avant l’établissement de l’administration des haras, il y avait dans les provinces, dans celles qui produisent beaucoup de chevaux, des étalons qui appartenaient les uns au pouvoir central, d’autres aux états provinciaux, d’autres enfin à des gardes-étalons, cultivateurs ou spéculateurs qui jouissaient de certains priviléges en récompense des services qu’ils rendaient. Les étalons, disent les historiens, dans toute l’étendue du royaume, étaient sous trois états différens. — Les chevaux ont toujours manqué quand il a fallu faire de fortes remontes. Les guerres pendant le règne de Louis XIV nécessitèrent l’achat de 500,000 chevaux chez l’étranger et une exportation de plus de 100 millions de numéraire pour cette acquisition. On disait alors que l’insuffisance du nombre des chevaux provenait de ce que les haras particuliers avaient sombré en même temps que la féodalité par suite de la politique de Richelieu. Pour remédier au mal, Colbert institua l’administration des haras royaux. Quoique souvent modifiée, cette administration n’a jamais donné les résultats qu’on en attendait. Voici comment l’appréciait Huzard en l’an X : « On peut faire remonter l’époque de la diminution et de l’abâtardissement de nos chevaux à d’anciennes fautes du gouvernement suivies de longues erreurs dans l’administration des haras… Cette administration dévorante et vexatoire gênait partout l’industrie et le commerce en soumettant le cultivateur aux caprices et à la cupidité d’une foule de sous-ordres, toujours protégés et contre lesquels dès lors toute réclamation devenait inutile. Qu’on ajoute à tous les vices de l’organisation des différentes administrations des haras les abus qu’entraînaient la multitude des agens, les privilèges excessifs des gardes-étalons et l’exécution plus que despotique de plusieurs articles du règlement de 1717 que l’on ne pouvait éluder qu’avec des sacrifices ; tels étaient par exemple les articles qui défendaient à tous propriétaires de chevaux entiers de faire couvrir leurs propres jumens par ces chevaux sans avoir une permission par écrit du commissaire inspecteur, visée par l’intendant de la province sous peine de confiscation des chevaux et des jumens et de 500 livres d’amende, et qui les forçaient à se servir exclusivement de l’étalon qu’on leur désignait. L’on aura une juste idée de l’état des haras et de l’espèce d’impossibilité où étaient les cultivateurs de se livrer à l’élève des chevaux, et on verra qu’il résultait