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Beauce, en Châtillonnais, les éleveurs les plus connus sont entrés heureusement dans cette voie. Le mérinos ainsi traité est loin sans doute encore du dishley ou du southdown ; maison ne renonce pas à l’espoir de nouveaux progrès.


IV

Transformer nos races ovines, toute la question est donc là, et il n’est pas assurément impossible de la résoudre. Sans doute un temps de transition est nécessaire, et nous comprenons les découragemens et les plaintes ; mais au bout d’un assez petit nombre d’années nous pouvons avoir renouvelé tous nos troupeaux. Ici, par croisement ou par métissage, les races étrangères remplaceront ou régénéreront les nôtres, tout comme autrefois les mérinos sont venus peupler nos bergeries, et la difficulté ne sera pas maintenant plus grande qu’elle ne l’a été jadis pour acclimater en France et en Saxe les moutons importés du chaud pays d’Espagne. Là, s’il est constaté qu’aucune autre race ne peut être substituée avec avantage à la race mérine, on cherchera dans la sélection, dans un appareillage judicieux et intelligent, le moyen de produire la viande de préférence à la laine, et il n’en coûtera pas plus aux éleveurs français pour opérer ce changement qu’il n’en a coûté à Bakewell et à Webb pour former les dishleys et les southdowns. Ailleurs enfin, si les défrichemens et le morcellement de la propriété ne permettent plus d’entretenir des troupeaux de bêtes ovines, l’on en devra prendre son parti, et le petit cultivateur élèvera selon les lieux la vache ou la chèvre. Pourquoi songerait-on en effet à produire à grands frais la laine que les pays lointains nous envoient en masse, tandis qu’on va chercher au dehors à grands frais des bestiaux de boucherie ? Bœuf ou mouton, qu’importe ? L’essentiel, c’est d’avoir de la viande, de ne conserver de moutons que dans les pays d’élevage et dans les pays d’engraissage. Le champ d’ailleurs est encore assez vaste. Les pays d’engraissage, c’est-à-dire les provinces à cultures industrielles, celles où presque partout l’usine est devenue l’annexe de la ferme, ne rechercheront plus que les bêtes précoces et les rechercheront pour les deux précieux produits qu’elles donnent, le fumier et la viande ; les pays d’élevage, les provinces à vastes prairies et à pâtures abondantes, prépareront pour les engraisseurs les animaux qui leur conviennent. On fera même bien peut-être de modifier, quand cela se pourra, le système coûteux qui élève si haut nos prix de revient, de remplacer notre organisation de bergeries par l’adoption des usages de l’Angleterre, où de nombreux troupeaux vivent dans une demi-liberté, sans bergeries et sans gardiens. Le principal obstacle qu’on y voit, c’est le grand nombre de loups qui semblent encore être entretenus à plaisir dans