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sans grande résistance presque tous les lieux où ils avaient paru vouloir s’établir. C’est ainsi qu’ils ont replié leurs postes depuis Saint-Denis jusqu’à la Marne, et que même ils ont quitté Montretout, Meudon, Châtillon, où l’on a pu penser, pendant quelques jours, qu’ils faisaient les préparatifs d’une attaque réelle. Du côté, de Choisy-le-Roi seulement, les Prussiens paraissent faire des établissemens sérieux dans notre voisinage ; mais encore ces établissemens n’ont-ils jusqu’ici qu’un caractère purement défensif, si bien qu’ils nous ont laissés occuper Villejuif, les Hautes-Bruyères, le moulin Saquet, Cachan, sans inquiéter autrement que par des chicanes d’avant-postes les redoutes que nos soldats ont construites sur ces points. Peut-être prendront-ils un jour l’offensive de ce côté, mais il est plus raisonnable de croire que, recevant par Choisy la plus grande partie du matériel et des approvisionnemens destinés aux troupes qui sont sur la rive gauche de la Seine, et s’attendant en outre à voir déboucher par là, dans le cas où elle parviendrait à forcer leurs lignes, l’armée qui s’organise au nord de la Loire, ils prennent leurs précautions pour protéger énergiquement leurs convois et leurs communications.

D’autres raisons expliquent encore l’attitude en quelque sorte passive que l’ennemi garde depuis un mois. La première, et celle-là se présente avec tous les caractères d’une certitude, c’est que les Prussiens n’ont pas encore réussi à faire venir leur matériel de siège. Pour commencer les opérations actives d’un siège de Paris, il faudrait en effet être en mesure d’attaquer et d’emporter au moins deux de nos forts détachés, sauf encore à compter sur le temps que cela prendrait pour recevoir tout le matériel qui serait ensuite nécessaire à l’ouverture d’une brèche dans l’enceinte continue. Il n’y a qu’une attaque par la presqu’île de Gennevilliers qui aurait pu dispenser l’ennemi de cette condition ; mais pour réussir dans cette tentative il eût fallu exécuter deux passages de rivière sous les feux du Mont-Valérien, de la Couronne de la Briche et de nos remparts : c’eût été une entreprise des plus hasardeuses, et qui est devenue aujourd’hui complètement impossible par suite des travaux que l’on vient de faire à Gennevilliers, à Courbevoie, à Saint-Ouen, à Clichy, à Montmartre. Il faut donc désormais que l’assiégeant s’en prenne aux forts eux-mêmes ; encore est-il tenu d’en attaquer et d’en ruiner deux à la fois, car l’occupation d’un seul, couvert à son tour par les feux de ses deux voisins de droite et de gauche et par ceux du rempart situé en arrière, serait intenable. Or le siège de deux forts tels que ceux de Vanves et d’Issy par exemple, que l’on désigne, à tort peut-être, comme les plus exposés à une attaque, nécessiterait au plus bas chiffre un équipage d’au moins 200 pièces de canon de gros calibre et plus probablement encore de 250, ne fût-ce que pour contenir le fort de Montrouge, qui ne manquerait pas de se mettre de la partie. Cela revient à dire que, même pour tenter cette attaque, qui ne serait