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contre lui. Le même Marillac marquait en juillet 1549 que les difficultés, pour l’empereur, croissaient chaque jour en Allemagne, et que, s’il n’y retournait bientôt, il perdrait le fruit de toutes ses victoires, « car non-seulement les protestans demeurent obstinés, mais encore les catholiques commencent à connaître que ledit seigneur y a procédé plus par zèle qu’il avait à sa grandeur qu’à la restitution de la religion. » Ce qui compliquait les ennuis de Charles V, c’est qu’il avait résolu de faire élire son fils roi des Romains à la place de son frère Ferdinand. Cette intrigue mettait le trouble dans la famille impériale, et Marillac écrivait que Ferdinand ne pouvait se résoudre à céder à son frère sur ce point. Il y a deux dépêches curieuses[1] sur cette affaire, qui avorta. Entre le pape enfin et l’empereur, l’entente devenait difficile. Charles V n’avait rien gagné sur les esprits par les supplices et la terreur. Les protestans refusaient de se soumettre à un concile convoqué ailleurs qu’en Allemagne, et Marillac mandait en août 1549 : « Pour le regard de célébrer le concile de Trente en autre ville de la nation germanique, c’est un point nécessaire sans lequel les affaires de l’Allemagne pour le respect de la religion ne peuvent être composées. Et mêmement que pour la diète d’Augsbourg, quand l’empereur requit que les électeurs, princes et états se soumissent de leurs différends à la détermination d’un concile, l’empereur s’y était fait fort, et sur cette condition avait obtenu ce qu’il avait requis, que ledit concile serait célébré en ville de leur nation, laquelle commodité lui étant maintenant ôtée ou empêchée, les affaires de Germanie se tournaient au rebours de son intention, sans mutuelle intelligence du pape, de laquelle il avait maintenant lieu de se défier, d’autant plus que sa sainteté avait de nouveau sommé les prélats de se trouver dans quarante jours à Rome, sous peine de désobéissance. » Charles V, de son côté, avait défendu aux évêques de ses états de s’y rendre.

La situation était tendue au point qu’on vient de voir, lorsque Henri H reçut une nouvelle-et plus pressante dépêche de Maurice de Saxe ; Le duc y invoquait les souvenirs de l’amitié française, demandait de l’argent, des chevaux, des hommes, avec la garantie d’une coopération effective dans les hostilités projetées, offrant au nom des princes, spécialement des jeunes margraves de Brandebourg, des compensations à la France, pour les risques qu’on lui demandait de courir. Henri II hésitait ; les affaires de l’intérieur occupaient son attention. Autour de sa personne, des rivalités puissantes troublaient sa cour, et les protestans français lui inspiraient des inquiétudes. Quant à l’extérieur, c’était bien plutôt vers l’Ecosse

  1. On peut les lire dans la collection de Menken, II, p. 1397 et 1401.