Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 90.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accidens sont communs partout où les institutions sont meilleures que les hommes et leur créent des devoirs qu’ils peuvent éluder ; puis dans une fédération où chaque état agit à sa guise, les disparates abondent. Près du Massachusetts, si jaloux de ses écoles, le Rhode-Island néglige presque les siennes ; dans l’ouest, on en fait cas sans tomber dans l’excès. Dans le sud, il y a beaucoup de laisser-aller. Presque partout c’est l’action privée qui s’en mêle, non le règlement officiel. C’est ce qui a lieu aussi pour le travail des enfans, que les districts manufacturiers du nord ont seuls rangé dans le domaine de la loi, et, on l’a vu, d’une loi à peu près impuissante. En réalité, c’est la conscience des entrepreneurs qui en décide, et ajoutons que les abus ne sont pas grands. Pour la généralité des cas, la durée du travail des adultes est dans le nord de onze heures par jour, et, comme le travail s’arrête à cinq heures du soir le samedi, il est de soixante-quatre heures par semaine. Dans le sud, le régime varie ; sur deux établissemens qu’a visités M. Engel, l’un donnait au travail une durée de douze heures par jour et de soixante-dix heures par semaine, l’arrêt du samedi ayant lieu à quatre heures et demie, l’autre une durée de soixante-quatre heures seulement, avec arrêt à quatre heures le samedi. C’est de l’arbitraire sans doute, mais quoi de plus arbitraire que le travail ? Savoir au juste ce qu’il dure est déjà une tâche malaisée ; comment savoir ce qu’il vaut, c’est-à-dire ce qui importe le plus ? Ce serait s’achopper de contrôle en contrôle, d’expédient en expédient, tandis qu’il est loisible de marcher à l’abri d’un principe aussi simple que sûr, la liberté des contrats et le consentement des parties.

Voilà donc, sur les documens les plus récens, où en est aux États-Unis l’industrie du coton. Dans un mouvement parallèle, l’industrie des fers a rencontré les mêmes problèmes, qui ont reçu les mêmes solutions. Le siège de cette industrie est dans la Pensylvanie ; mais chaque jour voit s’en étendre le domaine. Elle est, comme le coton, la gardienne vigilante des tarifs, et n’a pas moins abusé que lui des complaisances de la loi fiscale. Pour le métal brut, le droit est des trois quarts de la valeur ; pour le métal ouvré, il n’a pour ainsi dire pas de limites : l’objet est surtaxé jusqu’à ce que l’introduction n’en soit plus possible. On dirait un cordon sanitaire imaginé contre des produits contagieux. Aussi les fonderies et les forges se multiplient-elles à vue d’œil ; en 1866, la production du fer brut n’était que de 1,300,000 tonnes, elle est aujourd’hui de près de 2 millions. C’est au nom du fer que le congrès engage chaque année ses débats les plus vifs ; le fer est le produit favori, un instrument de défense pour lequel on ne saurait faire trop de sacrifices. En maintenir la production et la fabrication à tous les degrés passe pour une œuvre d’affranchissement. On ne manque pas d’insister sur le nombre des