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ceux appliqués dans la précédente période, et le revenu imposable était évalué à 130 millions de livres sterling. Un droit de 3 pour 100 ou 7 deniers par livre sterling, mis sur ce revenu, devait produire 3,880,000 livres sterling ; mais, pour que l’Irlande contribuât aussi pour sa part au supplément de charges qu’allait supporter la nation, Robert Peel proposa d’élever les droits sur les spiritueux irlandais au niveau de ceux payés par les spiritueux anglais, et de frapper la propriété d’Irlande des mêmes droits de timbre que la propriété d’Angleterre. Ces surtaxes devaient donner 500,000 livres sterling, et, 4,380,000 de nouvelles ressources se trouvant ainsi créées, 580,000 livres sterling restaient disponibles pour subvenir aux dépenses imprévues ou supplémens de crédit que pourraient réclamer la guerre de Chine et celle des Indes.

La lutte fut longue et vive dans les deux chambres du parlement. Le jour où le plan fut exposé aux communes, lord John Russell annonça qu’il l’attaquerait à la première, à la deuxième et, à la troisième lecture, et il tint parole. Le débat remplit huit séances, et l’opposition proposa successivement seize résolutions, toutes soutenues par ses principaux chefs. A la chambre des pairs, lord Brougham, retrouvant sa verve de 1816, présenta également plusieurs motions contraires, qu’appuyèrent aussi avec énergie quelques-uns de ses collègues ; mais il importait de dégager l’échiquier des embarras qui pesaient sur lui et de mettre un terme à la série de déficits. C’est à cette seule condition que pouvait être maintenu le crédit public, et on sait quelle influence de pareilles considérations ont sur le vote des assemblées législatives en Angleterre. D’ailleurs le rejet du plan de Robert Peel, en entraînant la retraite du cabinet, eût ramené les whigs aux affaires. Le parti conservateur crut donc devoir dans cette circonstance ne pas abandonner son chef, et, malgré toute sa répugnance pour l’income-tax, il finit par voter le projet ministériel. Toutefois il fut bien entendu que de « pressantes et cruelles nécessités » avaient pu seules déterminer cette adoption, que l’impôt n’était rétabli que pour faire face à ces nécessités et pour un temps limité seulement (on the plea of absolute necessity and for a limited period only), et, bien que Robert Peel eût d’abord exprimé le désir d’en voir fixer la durée à cinq ans, pour donner à la réforme commerciale le temps de produire tout son effet, li dut consentir à ce que cette durée fût restreinte à trois années ; mais, la puissance de l’instrument une fois connue, le maintien n’en devait pas avoir de limites.

Les revenus imposables se trouvèrent dépasser le chiffre présumé ; au lieu de 3,770,000 liv. sterl., l’income-tax rendit 5,100,000 liv. sterl. pour 1842, et les années suivantes le produit atteignit même