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étrangères ; nous rappellerons seulement qu’elle fut une des plus belles dont s’honorent les annales parlementaires. Sir Robert Peel, abandonné par la majorité de son parti, ne fit passer ses propositions qu’avec le concours des whigs et des radicaux, et quelques jours après, à l’occasion d’un bill de répression contre les actes de violence commis en Irlande, le ministre, ayant retrouvé l’hostilité de ses anciens adversaires, mais non l’appui de ses anciens amis, fut mis en minorité de 73 voix, et déposa entre les mains de la reine sa démission, ainsi que celle de ses collègues.

Les whigs, en rentrant aux affaires sous la direction de lord John Russell, les retrouvaient dans un tout autre état que celui où ils les avaient laissées cinq ans auparavant. En effet, du 1er janvier 1842 au 1er janvier 1846, la balance au profit de l’échiquier avait augmenté de 5 millions de livres sterling ; le montant des bons du trésor en circulation avait diminué de 4 millions de liv. st., le capital de la dette publique avait été réduit de 7 millions de liv. st, et le chiffre des intérêts annuels de 1,500,000. Assurément ces heureux résultats étaient dus en grande partie à la politique financière et commerciale inaugurée par Robert Peel ; mais il ne faut pas oublier non plus que le développement donné à la construction des chemins de fer, construction à laquelle fut employée de 1841 à 1847 la somme énorme de 150 millions de liv. st., y avait aussi largement contribué. Il n’est pas douteux qu’une pareille dépense, en élevant le prix des salaires, n’eût considérablement augmenté la demande des objets de consommation soumis aux droits d’excisé ou de douane, et que, par l’impulsion donnée aux affaires, elle n’eût également accru le nombre des transactions entre particuliers. Aussi ces diverses causes réunies agissant encore en 1846, le revenu de cet exercice dépassa les prévisions de 2,800,000 liv. st., et le budget se solda par un excédant de recettes de 2,700,000 liv. st.

Malheureusement ce brillant tableau devait avoir son côté sombre. S’il était de l’intérêt du pays d’établir des chemins de fer, il y avait eu cependant grave imprudence à employer à cette œuvre, dans un nombre aussi restreint d’années, une somme de capitaux qui dépassait de beaucoup et les épargnes annuelles et les ressources disponibles. Il est vrai qu’en Angleterre ce n’est pas sur l’initiative prise par le gouvernement que sont votés habituellement les bills de chemins de fer, et il est probable que là comme ailleurs chaque membre avait voulu avoir pour le comté qu’il représentait sa voie ferrée ; mais il est probable aussi qu’avec la juste autorité qu’il exerçait sur le parlement, Robert Peel eût pu modérer la rapidité avec laquelle se succédaient les bills d’autorisation, et qu’en n’y mettant pas obstacle il fit preuve d’une regrettable imprévoyance. Quoi qu’il en soit, l’excès des dépenses amena une crise pécuniaire