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aujourd’hui des exilés à l’intérieur ? Si on avait interdit les clubs, on aurait grossi d’autant les attroupemens, au grand dommage de la santé publique. La liberté des clubs se résolvait donc en définitive en une simple question d’hygiène.


II

En général les clubs ont pris les noms des salles où ils se sont établis ; le club des Folies-Bergère a été ouvert, croyons-nous, le premier après les événemens du 4 septembre, dans la jolie salle de spectacles-concerts de la rue Richer ; nous citerons encore le club du Pré aux clercs, rue du Bac ; le club de la Reine-Blanche à Montmartre, le club de la salle Favié à Belleville, et bien d’autres qui se sont installés dans des salles de bal, le club du Collège de France et le club de l’École de médecine, qui ont élu domicile par voie de réquisition ou autrement dans ces doctes et illustres établissemens. Quelques-uns ont pris des dénominations significatives : le club du citoyen Blanqui s’appelait le club de la Patrie en danger ; le club modéré de la salle Valentino, qui a succédé au club non moins modéré de la Porte-Saint-Martin, organisé par M. Eug. Yung, a pris le nom de club de la Délivrance ; enfin, au boulevard Rochechouart, s’épanouit dans une salle de café-concerts le Club de la Vengeance. Chaque club a son groupe d’organisateurs ; mais c’est au public qu’est réservé tous les soirs le droit de nommer ou d’acclamer les membres du bureau. Dans quelques clubs, le public a fini par se fatiguer d’user de ce droit imprescriptible, et il se borne à ratifier en bloc le bureau qu’on lui présente ; ailleurs, et chose assez piquante, dans les clubs où domine l’élément révolutionnaire pur, le bureau se constitue d’autorité ; mais, dans ceux où des opinions opposées sont en présence, on se dispute parfois avec un acharnement singulier ce gouvernement éphémère. Aux Folies-Bergère, où les « rouges » avaient d’abord la majorité, ils composaient le bureau à leur guise ; mais à mesure que « la réaction a relevé la tête, » les nominations ont été de plus en plus disputées : les réactionnaires, de jour en jour plus nombreux dans l’auditoire, se faisaient un malin plaisir d’imposer à un président rouge des assesseurs modérés. Alors c’étaient des protestations indignées et même des conflits où la force morale n’était pas seule à jouer un rôle. Le citoyen A refusait positivement de siéger à côté du citoyen B ! en donnant pour motif que le citoyen B avait été adjoint au commissaire de police, et qu’il ne s’était point justifié suffisamment de l’accusation d’avoir fait des « rapports. » Le citoyen B se chargeait à son tour de laver le linge sale (encore une expression locale) du