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été organisé et soldé par Gustave Flourens. — Cette révélation inattendue cause une émotion indescriptible. Les membres du bureau se lèvent en tumulte, ils entourent l’imprudent révélateur en le pressant de se rétracter ; mais il est trop tard : le secret du complot des bombes est éventé, et la réaction ne manquera pas d’en faire son profit. L’innocence du citoyen R. finit du reste par être reconnue sur tous les points. Par un hasard qui n’a rien d’extraordinaire, le président du club avait conspiré avec lui. — Il l’a même pris, dit-il, pendant quelque temps pour un « mouchard, » ce qui ne doit au surplus scandaliser personne, car rien n’est plus conforme à la tradition révolutionnaire : en 93 tout le monde était « suspect, » et sous l’empire nous nous prenions tous pour des mouchards. — Cette nouvelle confidence, faite d’un ton de bonhomie, excite au plus haut degré la bonne humeur de l’auditoire, et le citoyen R. profite de cette détente générale des esprits ; il est réhabilité, et « son défaut » même est excusé sur cette observation judicieuse du président qu’on n’est pas parfait, et qu’il faut bien passer quelque chose à un « bon républicain. »

Parmi les communications intéressant la défense nationale qui sont faites chaque jour dans les clubs, il faut noter celles qui concernent les inventions de tout genre, dont les auteurs ont été victimes de la routine des bureaux compliquée de la jalousie mesquine des officiers de l’artillerie et du génie. D’abord le public prêtait une oreille attentive et compatissante aux doléances de ces inventeurs méconnus ; mais ils ne tardèrent point à en abuser. Celui-ci avait retrouvé le secret du feu grégeois, celui-là faisait hommage au club de sa fusée-satan, capable de détruire 60,000 Prussiens par heure ; un troisième colportait dans tous les clubs sa bombe à main, qu’il suffisait de laisser tomber sur le parquet pour faire sauter la salle. Cette affirmation, accompagnée de gestes démonstratifs, répandait dans l’assemblée une inquiétude visible ; on se hâtait de renvoyer l’inventeur avec sa bombe au comité des barricades ou à tout autre comité. Un quatrième proposait d’empoisonner la Seine pour priver les Prussiens d’eau potable ; un autre conseillait de lâcher dans les bois occupés par l’ennemi les animaux du Jardin des Plantes. Puis venaient les nouveaux procédés qu’il s’agissait d’opposer victorieusement à la tactique prussienne, et la série des moyens de débloquer Paris. Il fallait construire une première redoute sous le feu des forts, puis une seconde redoute sous le feu de la première, et ainsi de suite jusqu’à Étampes et même plus loin, si c’était nécessaire ; il fallait encore faire sortir la garde nationale en masse et la répandre en tirailleurs dans toute la France, etc. Nous en passons et des meilleures. Le public des clubs