Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 90.djvu/733

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
727
LA RÉUNION DE L’ALSACE.

la mémoire de ce grand homme d’état à l’éternelle reconnaissance des Français. D’après ce traité, qui est du 8 février 1635, la France et la Hollande se promettaient de partager à la paix les Pays-Bas espagnols, de telle sorte que notre frontière du nord aurait reçu les mêmes accroissemens et obtenu les mêmes sûretés que notre frontière de l’est. La France eut donc à cette époque l’espoir le mieux fondé d’atteindre ses limites naturelles du côté de l’Allemagne, et toutes ses ressources furent employées pour arriver à ce but. On verra comment son attente fut trompée en ce qui touche les Pays-Bas ; elle ne le fut pas du moins en ce qui touche l’Alsace. « Ce qui peu de temps auparavant, dit Schiller, paraissait n’être pour la France qu’une brillante chimère s’offrit tout à coup comme un plan profond et sage que les circonstances justifiaient de tout point. Dès ce moment, cette couronne se livra tout entière à la guerre d’Allemagne, et aussitôt qu’elle eut assuré par des traités secrets avec les princes allemands l’exécution de ses projets, elle apparut comme puissance prédominante sur la scène politique. Jusque-là, elle n’avait coopéré que de son argent d’abord, et puis par l’action d’une armée sur le Rhin. Aujourd’hui que les circonstances étaient devenues menaçantes, elle prit les armes avec une activité surprenante, et étonna l’Europe par les coups qu’elle porta. Deux flottes prirent la mer, six armées entrèrent en campagne. Elle prolongea la trêve de la Suède avec la Pologne, et ranima l’espérance perdue dans tous les cœurs allemands. »

Malgré le déplorable échec qu’il avait éprouvé à Nordlingue, Bernard de Saxe-Weimar était resté à la tête des troupes suédoises. Généraux et soldats avaient pour lui une juste affection. La France lui témoigna de grands égards, et le releva dans l’estime publique. Il fut appelé à Saint-Germain, où résidait la cour de France, et on l’y combla d’honneurs. Richelieu traita comme de puissance à puissance avec ce renommé capitaine, et par une convention du 27 octobre 1635 prit à la solde de France l’armée weimarienne au moyen d’une prestation à forfait de 4 millions de livres par année ; le duc prit de son côté l’engagement d’avoir toujours sous les armes 12 000 hommes de pied et 6 000 cavaliers. Une foule d’écrivains ont répété que le même traité, par des articles secrets, assurait à Bernard la création et la possession du duché d’Alsace. Il n’y a pas trace de ces articles, et je ne crois à l’existence d’aucune convention de ce genre. Il est même peu probable que Bernard y ait songé, quoique les exemples et les entraînemens de son époque aient pu l’y convier. L’Alsace entrait trop profondément dans les calculs de Richelieu pour qu’il ait pu renoncer si aisément à la délaisser, Tout le monde connaît la joie extrême que ressentit la cour de France en 1639, à la nouvelle de la prise de Brisach par