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nièrement MM. Dupont de Bussac, Victor Considérant, etc., dans un manifeste de l’Union républicaine, en se bornant à en dresser l’inventaire et à constituer « les anciens détenteurs provisoirement gardiens des marchandises expropriées, » la déperdition causée par le manque ou l’insuffisance des soins de conservation indispensables n’eût probablement guère été moindre, même en admettant que les anciens détenteurs eussent accepté de bon gré le rôle médiocrement agréable et commode de « gardiens des marchandises expropriées. «

La réquisition ou, ce qui revient au même, l’expropriation générale des denrées alimentaires était visiblement le système le moins propre à garantir la bonne conservation des munitions de bouche, aussi précieuses cependant que les munitions de guerre. Ce système valait-il mieux au point de vue de la distribution équitable et utile des alimens ? Il est bien permis d’en douter. D’abord n’eût-il pas été singulièrement difficile d’improviser un recensement général et complet de toutes les bouches à nourrir, avec une appréciation même approximative des besoins de chacun ? On s’en serait tiré, assuraient les preneurs du système, en établissant des « catégories. » Soit ; mais comment établir des catégories sans mettre les consommateurs à la discrétion des recenseurs, et sans ouvrir la porte à tous les abus de l’arbitraire ? Ensuite comment organiser d’une manière tolérable la distribution quotidienne de l’infinie variété des alimens réquisitionnés à une population de 2 millions d’individus ? Il est superflu d’insister sur les impossibilités d’application de ce système de réquisition générale et de rationnement gratuit et obligatoire qui constitue la partie économique du programme de la « commune. » Ces impossibilités ne sont que trop visibles. Cependant le gouvernement pouvait-il abandonner les choses à elles-mêmes dans la situation exceptionnelle que l’interruption des communications et la suspension au moins partielle de l’action de la concurrence allaient créer à la population parisienne ? Non sans doute, et personne ne le lui a conseillé. Son intervention était indispensable à la fois pour réunir et faire arriver en temps utile une masse d’approvisionnement calculée sur la durée probable de l’investissement, pour empêcher les articles de première nécessité de monter à des prix de monopole et de famine, pour suppléer à l’insuffisance des moyens d’existence de la partie de la population qui se trouvait privée de ses ressources ordinaires, au besoin même pour nourrir aux frais du trésor public ceux qui étaient hors d’état de se nourrir à leurs propres frais. En un mot, le gouvernement devait, suivant l’expression anglaise, faire de l’expédience (expediency), c’est-à-dire de l’économie politique appliquée aux circonstances, et se garder des systèmes communistes. — Grâce au concours que lui a prêté l’opinion modérée, au frein