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rissaient à l’envi sur tous ces arrangemens ; comme des gens qui ont devant eux un long bail, c’était à qui assainirait et embellirait le mieux sa résidence.

Dès la chute du jour, on voyait nos matelots par bandes regagner leurs forts sans que le club ni le cabaret les en pussent détourner. Dans les forts mêmes, combien ils étaient ingénieux, que de ressources d’imagination, que d’esprit d’invention ! Les postes des bastions sont surtout construits avec un art infini. On s’y arrête avec curiosité. Il y a pour les officiers et pour les marins des installations et des décorations variées. Au fond, ce ne sont guère que des terriers dont il a fallu soutenir les voûtes et les côtés par des rondins qui leur servent de garnitures et de supports. Ces rondins, réguliers autant que possible et coupés par tranches, sont disposés avec un goût que le treillageur le plus habile ne désavouerait pas ; ils contribuent en outre à défendre le terrain supérieur contre les projectiles et les éboulemens. L’ensemble forme de véritables casemates. L’officier de quart a un lit ou ce qu’on nomme en marine un cadre, et tout auprès une table chargée de quelques papiers relatifs au service. Dans le poste des marins, les cadres, au nombre de huit, sont superposés l’un à l’autre sur les deux côtés : les cadres supérieurs touchent le plafond, les cadres inférieurs reposent sur le sol. Dans tous les postes, il y a une lampe qui brûle en permanence. Tous également ont des ornemens appropriés, des tentures tirées on ne sait d’où, quelquefois des pavillons qui, dans cette pénombre et assortis du mieux possible, produisent un certain effet. Outre ces réduits, il règne à mi-hauteur, dans le pourtour des bastions, quelques promenoirs en maçonnerie pour les hommes de corvée. Çà et là, de petites poudrières s’ouvrent également à portée des batteries pour loger les gargousses qui doivent être le plus prochainement employées. Naturellement ces magasins de dépôt sont fortement maçonnés et constitués de manière à être à l’abri de tout accident.

Un curieux local à voir, c’est l’observatoire, presque toujours divisé en deux parties. La première s’ouvre dans les combles du bâtiment principal, de celui qui domine les autres. Après avoir franchi un escalier de quelques marches, on soulève une trappe qui aboutit sur le toit, disposé en plate-forme. Des forts du sud, c’est un vaste panorama que l’on découvre : au pied même des forts s’étendent en demi-cercle la ville et ses édifices, et dans l’autre demi cercle qui se déploie, les lignes des collines qui enveloppent Paris. Il ne s’agit plus ici ni du paysage ni de ses beautés naturelles. Avec la guerre, le spectacle a changé d’intérêt. Sur ses premiers plans, voici à Cachan et à Arcueil les ouvrages de campagne de la vallée