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D’autres détails encore seraient à ajouter dans la visite d’un fort, par exemple le service des cantines, qui, à certains momens de la journée, deviennent le centre de tous les mouvemens. Ici encore, c’est le vaisseau qui sert de modèle. Les distributions de vivres, la formation et le rationnement des escouades, tout se fait comme si les équipages étaient à bord. Pas l’ombre d’un débat entre les matelots ; il y a des chefs de gamelles qui exercent des pouvoirs à peu près discrétionnaires, et chacun s’y soumet. Le repas n’est pas d’ailleurs une affaire. Rien de plus sobre qu’un marin. Cette habitude prise dès l’enfance de se contenter d’un morceau de lard et d’un biscuit met les estomacs à un régime qui leur interdit d’être jamais exigeans. En moins de quelques minutes, le marin a mangé sa soupe et se hâte de courir ailleurs mieux employer son temps. S’il y a suspension du travail, il se promène avec ses camarades, fume sa pipe, va jeter un coup d’œil sur le bastion, engager une partie de cartes ; s’il y a des chantiers ouverts, il reprend sa pioche ; si ce sont des exercices, il se met en ligne avec les autres. Voilà ce que l’on voit quand on assiste pendant quelques heures au spectacle de cette vie si active. Rien n’est plus fortifiant, plus sain, mieux fait pour ranimer les esprits dans les plus tristes conjonctures.

Naturellement les premiers soins eurent pour objet l’état de l’armement, qui, dans une longue désuétude, avait été complètement négligé et offrait les plus étranges disparates. On y voyait des pièces de toute provenance, quelques-unes de rebut, d’autres sans affût, toutes ayant besoin d’être restaurées avant de figurer dans les embrasures. C’étaient en général d’anciens modèles, comme la pièce de 16 lisse, pouvant lancer un boulet rond de 16 livres, ou bien des pièces de 24 et de 12 rayées, disposées sur les anciens affûts des mêmes pièces non rayées, et ne permettant qu’un pointage limité aux anciennes portées. Au moyen de coussins en bois et dans un pointage oblique qui faisait gagner 1, 000 mètres de plus, on put remédier à ce dernier inconvénient ; mais ce ne fut pas tout. La marine tenait à ses propres instrumens de combat, aux plus récens surtout. Les pièces à son usage sont éminemment propres à la défense des places. Coulées en fonte de fer, elles sont fort lourdes à porter d’un point à un autre, mais faciles à manœuvrer pour les hommes du métier. Elles ont pour elles la portée et la justesse, supportent bien un excès de charge, reçoivent facilement et sans trop de dépense les frettes qu’on y ajoute pour les fortifier. On tira des ports les meilleurs de ces types, particulièrement des pièces de 16 centimètres se chargeant par la bouche (anciennes pièces de 30 rayées et frettées). Malgré un poids de 3, 600 kilos, des affûts de 600 kilos, des projectiles de 34 kilos, ces pièces n’offraient pas de difficulté sé-